Harcèlement moral à France Télécom : les anciens dirigeants jugés en appel

Les anciens dirigeants de France Télécom, dont l'ex-PDG Didier Lombard, sont jugés à partir de mercredi devant la cour d'appel de Paris. (Illustration) © LIONEL BONAVENTURE / AFP
  • Copié
avec AFP , modifié à

En première instance, Didier Lombard et l'ancien numéro 2 du groupe Louis-Pierre Wenès avaient été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d'amende. Le tribunal avait relevé leur "rôle prééminent" dans la mise en place d'une politique de réduction des effectifs "jusqu'au-boutiste" sur la période 2007-2008.

Les anciens dirigeants de France Télécom, dont l'ex-PDG Didier Lombard, sont jugés à partir de mercredi devant la cour d'appel de Paris, plus de deux ans après leur condamnation inédite pour harcèlement moral à la suite d'une série de suicides de salariés. En première instance, Didier Lombard et l'ancien numéro 2 du groupe Louis-Pierre Wenès avaient été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d'amende. Le tribunal avait relevé leur "rôle prééminent" dans la mise en place d'une politique de réduction des effectifs "jusqu'au-boutiste" sur la période 2007-2008.

Jusqu'au 1er juillet, ils comparaîtront devant la cour d'appel avec quatre autres ex-responsables de l'entreprise, sanctionnés eux de quatre mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende en première instance, pour complicité de harcèlement moral. Première entreprise du CAC 40 condamnée pour un "harcèlement moral" institutionnel , France Télécom, devenue à la fin des années 2000 le symbole de la souffrance au travail, n'a elle pas fait appel du jugement de première instance qui l'avait sanctionnée de l'amende maximum, 75.000 euros.

19 suicides

Son ex-DRH Olivier Barberot, condamné à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d'amende, s'est finalement désisté de l'appel initialement interjeté. Dans son jugement, le tribunal correctionnel avait insisté sur l'ampleur du harcèlement moral qui s'est propagé du sommet à l'ensemble du groupe France Télécom en notant qu'il avait "eu pour cible plusieurs dizaines de milliers" de personnes, selon le jugement de première instance.

Il avait aussi relevé l'absence de lien direct entre les auteurs et les victimes, à la différence d'un harcèlement moral classique. Tous les prévenus avaient par ailleurs été condamnés à verser solidairement plus de 3 millions d'euros de dommages et intérêts aux parties civiles, ex-employés et familles de victimes. Le tribunal avait examiné en détail les cas de 39 salariés : 19 s'étaient suicidés, 12 avaient tenté de le faire et 8 avait connu un épisode de dépression ou un arrêt de travail.

"La fenêtre ou la porte"

Parmi ces victimes, Michel Deparis. Alors que France Télécom - devenue Orange en 2013 - fait la Une des médias en raison de suicides parmi ses salariés, ce technicien marseillais met fin à ses jours en juillet 2009 en critiquant dans une lettre le "management par la terreur". "Je me suicide à cause de France Télécom. C'est la seule cause", écrivait-il. Deux mois plus tard, une première plainte est déposée par le syndicat Sud. Courant 2006, la direction de France Télécom, privatisée deux ans plus tôt, met en œuvre une politique de déflation massive des effectifs visant à transformer l'entreprise de 100.000 salariés.

22.000 départs et 10.000 mobilités sont visés dans ces plans NExT et Act, prévus de 2007 à 2010, période sur laquelle porte le procès. En première instance, les prévenus avaient été relaxés sur les faits postérieurs à 2008. En 2006 toujours, Didier Lombard, PDG de 2005 à 2010, dit aux cadres que ces départs doivent se faire "par la fenêtre ou par la porte". À l'audience, les prévenus ont parlé de départs volontaires. Un "simple affichage", a estimé le tribunal, pour qui la direction, alertée du caractère "inaccessible" de l'objectif de 22.000 départs, a fait le choix "d'une politique à marche forcée" à l'aide de moyens "interdits".

"Un plan concerté pour dégrader les conditions de travail"

Mutations fonctionnelles ou géographiques forcées, baisses de rémunération, mails répétés incitant au départ : les trois ex-dirigeants ont élaboré "une politique d'entreprise issue d'un plan concerté pour dégrader les conditions de travail des agents de France Télécom afin d'accélérer leurs départs définitifs de l'entreprise". Selon le jugement, ils ont mis la "pression sur l'encadrement" qui "a répercuté cette pression" dans l'ensemble de l'entreprise, "créant un climat anxiogène dans le quotidien de tous les agents".

Sollicité par l'AFP, l'avocat de Didier Lombard, Me Jean Veil, n'a pas souhaité s'exprimer avant l'audience. De son côté, Louis-Pierre Wenès "entend contester le jugement rendu (en première instance) dans toutes ses composantes", a indiqué son conseil, Me Sylvain Cornon.