"Gilets jaunes" : quelles suites pour le mouvement après les violences de samedi ?

"Gilets jaunes" sur les Champs-Élysées le 16 mars (1280x640) Alain JOCARD / AFP
La manifestation parisienne de samedi a été marquée par un regain de tensions et de dégradations. © Alain JOCARD / AFP
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Margaux Lannuzel avec AFP , modifié à
Alors que la mobilisation marquait le pas depuis plusieurs week-ends, le brusque regain de tensions à Paris samedi dernier fait craindre à l'exécutif une radicalisation du mouvement. Les leaders des "gilets jaunes" sont eux divisés sur l'avenir.

Y-aura-t-il un "acte 19" ? Tous les regards sont tournés vers l'exécutif, lundi : alors que le gouvernement espérait sortir de la crise des "gilets jaunes" avec le "grand débat national", les violences ont brusquement fait leur retour au premier plan dans la capitale, ce week-end. Alors que des annonces politiques sont attendues lundi - une interdiction de manifester sur les Champs-Élysées est évoquée -, les scènes de dégradations et de pillages posent la question de la pérennité du mouvement. 

"Black blocs" ou "gilets jaunes" ? Une pluie de pavés et autres projectiles s'est abattue sur les gendarmes mobiles dès la fin de la matinée, samedi sur les Champs-Élysées, donnant le ton d'une journée comparable à celles du début de mois de décembre. Vêtus de noir, visage masqué pour certains, 1.500 "ultra-violents" se sont mêlés aux "gilets jaunes" arrivés des quatre coins de la France, selon le ministère de l'Intérieur.  "Tous ceux qui étaient là se sont rendus complices" du saccage, a posé Emmanuel Macron dès samedi soir, balayant l'argument d'une distinction entre "véritables gilets jaunes" et casseurs.

Contrairement aux précédentes semaines, cette dernière manifestation n'avait pas fait l'objet d'une déclaration officielle, un choix revendiqué par les leaders les plus médiatiques du mouvement pour marquer un retour à la source des premières mobilisations dans la capitale. Lorsqu'un "black bloc" - groupement d'individus très mobiles - s'est formé sur les Champs-Élysées, certains "gilets jaunes" ont applaudi les bris de vitrines, sans pour autant y participer. La présence de ces "observateurs" a en outre compliqué l'intervention des forces de l'ordre face aux pilleurs.

Une violence (presque) unanimement dénoncée. Depuis samedi, les scènes de saccage de la plus célèbre avenue parisienne ont été condamnées par l'ensemble de la classe politique française. "Je veux qu'on prenne dans les meilleurs délais des décisions fortes, pour que cela n'advienne plus", a affirmé Emmanuel Macron samedi soir, semblant envisager l'hypothèse de nouvelles manifestations violentes à venir."Nous sommes dans une situation d'urgence absolue. Il faut trouver des solutions cette semaine", a pour sa part estimé Laurence Sailliet, porte-parole des Républicains, sur BFMTV. 

Plusieurs visages des "gilets jaunes" ont aussi dénoncé les dégradations de samedi, tout en veillant à les dissocier des manifestations pacifistes et en pointant, parfois, la responsabilité des autorités, critiquées pour leur gestion de "l'acte 18". "Nous demandons des comptes concernant le laisser aller manifeste avec les "black blocs" qui ont saccagé les Champs-Élysées", a écrit le co-fondateur des "Gilets jaunes citoyens" Thierry-Paul Valette dans un communiqué, samedi. D'autres ont qualifié les dégradations d'actes "malheureux", tout en refusant de condamner fermement le recours  la violence. "En défilant pacifiquement depuis des semaines, on n'a rien obtenu", a ainsi souligné Sophie Tissier, autre figure du mouvement, lundi matin sur RTL.

Les "gilets jaunes" divisés sur la suite. Chez les "gilets jaunes", des différences de position existent aussi sur les suites à donner au mouvement après cet "acte 18". Présentée comme un "baroud d'honneur" - plusieurs figures des "gilets jaunes" avaient indiqué qu'ils manifestaient pour la dernière fois - la journée de samedi a-t-elle "relancé" la mobilisation ? Oui, selon Maxime Nicolle, alias "Flyrider". "Dans à peu près trois-quatre semaines, il y aura sûrement un autre acte, sûrement un très gros acte", prévenait-il dans une vidéo, dès samedi soir. "Paris a assez vu la colère du peuple", estimait-il cependant, suggérant que les "gilets jaunes" pourraient "rester dans leur ville pour s'y rassembler". 

"On (les leaders des "gilets jaunes", ndlr) est surveillés comme c'est pas possible", estime quant à lui Éric Drouet, l'un des plus célèbres "gilets jaunes", dans une vidéo publiée dimanche soir, expliquant à demi-mot ne pas pouvoir appeler à des rassemblements violents. "Il faut refaire des samedis comme ça, avec beaucoup de monde", conseille seulement le chauffeur routier. "Je vais voir si certaines personnes proposent des choses et je les relayerai", ajoute-t-il, évoquant la possibilité d'organiser des "blocages" dans des ports ou des raffineries. Sur Facebook, des appels à ce type d'actions circulent pour mardi.

Et à plus long terme ? La question de la conversion politique du mouvement est toujours source de divisions. Elle est rejetée en bloc par certains tandis que d'autres, comme Thierry-Paul Valette, envisagent déjà des candidatures aux élections européennes. "On le voit bien, les ronds-points se sont vidés, la mobilisation dans la rue ne donne rien, il faut passer à l'expression par les urnes", renchérit Benjamin Cauchy, porte-parole des "gilets jaunes" en Haute-Garonne, interrogé par Le Figaro. Les violences des Champs-Élysées pourront-elles être retenues contre d'éventuels candidats affiliés au mouvement, désormais lancé depuis quatre mois ? Selon un dernier sondage Opinionway, les "gilets jaunes" sont toujours appuyés par 49% des Français. Cette étude avait cependant été réalisée avant les violences de samedi.