La vidéo du tabassage de Michel Zecler a relancé le débat autour des violences policières. 3:14
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Antoine Terrel , modifié à
Comment lutter contre les violences au sein de la police ? Vendredi, sur Europe 1, les experts Alain Bauer et Fabien Jobard, ainsi que le syndicaliste Léo Moreau, ont insisté sur l'importance d'une formation plus longue pour les policiers, ainsi que sur l'importance d'une forte présence de la hiérarchie sur le terrain. 
DÉCRYPTAGE

Pourra-t-on venir à bout des violences au sein de la police ? Alors que le scandale provoqué par le tabassage du producteur Michel Zecler a une nouvelle fois relancé le débat autour des violences policières, de nombreux observateurs rappellent l'existence de problèmes à résoudre au sein de l'institution, aussi bien en terme de qualité et de durée des formations des personnels que concernant l'encadrement sur le le terrain rendu plus compliqué par les suppressions de postes. Europe 1 ouvre le débat. 

Un déficit de commandement

Pour Fabien Jobard, sociologue et directeur de recherche au CNRS, l'un des principaux problèmes qui minent la police se situe au niveau du commandement, trop peu présent sur le terrain. Revenant sur le tabassage de Michel Zecler, il note que sur la vidéo, "on voit des fonctionnaires passer à tabac sans raison manifeste pendant de longues minutes, sans qu'à aucun moment, la moindre hiérarchie se rappelle à leur bon souvenir".

Dans les grandes agglomérations notamment, explique l'universitaire, "suite à diverses réformes de la police engagées depuis une quinzaine d'années, il y a de moins en moins de hiérarchie sur le terrain et dans les services". Un diagnostic que partage Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers. "Il y un défaut et un déficit de commandement", assure-t-il vendredi soir sur Europe 1, pointant "un écrêtement qui a commencé en 1995 et qui visait à transformer un cylindre en pyramide, non pas en créant de nouvelles fonctions, mais en supprimant beaucoup de commissaires et d'officiers". 

"Les manques d'effectifs et l'incapacité à les mobiliser du fait de ces pertes considérables d'effectifs spécialisés d'un coté, et d'encadrement de l'autre, ont des effets sur les violences", poursuit-il.  

Un manque de formation

Autre enjeu majeur : la formation des policiers. Pour Fabien Jobard, "l'une des crises de la police est que les gardiens de la paix sont engagés plus jeunes, entrent dans la police avec un temps de formation moindre qu'auparavant, et arrivent sur le terrain moins encadrés que ne l'étaient leurs prédécesseurs". Par ailleurs, "les policiers qui interviennent dans les quartiers les plus difficiles sont aussi les plus jeunes". 

Or, la durée de cette formation a été réduite au fil des années, notamment "avec François Hollande, quand on a défendu l'idée d'une police massivement employée sur l'antiterrorisme", regrette le sociologue. "Il fallait subitement du bleu partout. Cela donne une catastrophe." 

Membre du Bureau National du SCSI, le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, Léo Moreau convient que "la formation doit certainement évoluer". Et rappelle les propositions émises par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle d'une "académie de police qui réunirait les différents corps de la police nationale". "On attend la concrétisation de ce projet qu'on appelle de nos vœux. Pour l'instant, on ne voit rien venir", déplore-t-il. 

Alain Bauer, lui, partage l'idée d'un allongement de la formation, mais insiste sur "la formation permanente". "Ce n'est pas parce qu'un jour, on a appris le code de déontologie, les gestes autorisés, que ça reste", explique-t-il. "Il y a un vrai problème de suivi et de remise à niveau régulier et permanent des policiers."

Un déni au sein de la police et de la classe politique ? 

"Il n'y a pas de déni de nos collègues", écarte Léo Moreau. Mais, ajoute-t-il, "il peut y avoir un déni institutionnel des problèmes dans certaines unités". De son côté, Fabien Jobard estime que "la volonté politique a été défaillante sur cette question", et regrette notamment le refus d'Emmanuel Macron d'utiliser le terme de violences policières. A cause de ce déni général, "quand le politique est amené à réfléchir sur cette question et sur les moyens de contrôler la police, il est trop tard", estime le chercheur.

Alain Bauer va plus loin et avance que "l'Etat central vit avec l'idée qu'il a un problème avec le peuple". Et de poursuivre : "De la Grande Jacquerie jusqu'à nos jours, il a peur de la révolution". Aussi, l'Etat "ne considère pas la police comme une police nationale, mais comme une police d'Etat, une garde prétorienne".