Flavie Flament : "Je ne voulais pas que David Hamilton meure sous les hommages"

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A.H. , modifié à
Il y a un an, Flavie Flament publiait "La Consolation", un livre dans lequel elle racontait avoir été violée à 13 ans par le photographe David Hamilton. Un téléfilm tiré du livre va être diffusé mardi soir sur France 2.
INTERVIEW

Avec un large sourire, Flavie Flament assure aller "très bien aujourd'hui." Il y a un an, l'animatrice radio confiait dans un livre, intitulé La Consolation, avoir été violée à 13 ans par un photographe mondialement connu, David Hamilton, dont l'identité a été révélée plus tard. Quelques jours plus tard, alors que le scandale enflait et que d'autres victimes se manifestaient, le photographe de 83 ans s'est suicidé à son domicile.

"J'étais la seule à détenir des secrets". Mardi soir, France 2 diffuse en première partie de soirée un téléfilm tiré de l'histoire de l'animatrice. Une manière constructive de dépasser son passé, selon Flavie Flament. "Ce téléfilm, comme le débat (qui suivra en deuxième partie de soirée, ndlr), s'inscrit dans un combat. C'est comme si mon histoire m'avait échappé, comme si elle était aussi celle des autres victimes, et qu'elle leur permettait de s'exprimer", estime Flavie Flament dans Village Médias, mardi.

Entendu sur europe1 :
J'étais la seule à détenir des secrets, des dialogues, à connaître la façon dont David Hamilton se comportait

"Je voulais que la vérité éclate avant sa mort naturelle". L'animatrice a tenu à participer au scénario, tout comme au choix des acteurs. "C'était important pour moi de poursuivre ce travail d'écriture. J'étais la seule à détenir des secrets, des dialogues, à connaître la façon dont David Hamilton se comportait. Et comme ni les uns ni les autres, et surtout pas moi, ne voulions trahir Poupette, cette petite fille que j'étais, c'était important pour nous de faire quelque chose de très fidèle", assure-t-elle. "L'année dernière, on a dénoncé un violeur que tout le monde érigeait comme un artiste au rang international. Moi, je voulais que la vérité éclate avant la mort naturelle de David Hamilton. Je ne voulais pas que David Hamilton meure sous les hommages. Et ça c'est l'objet du film", martèle Flavie Flament.

La rétrospective Polanski "me dérange profondément". Difficile aussi pour Flavie Flament de comprendre l'hommage appuyé que rend depuis quelques jours la Cinémathèque française au réalisateur Roman Polanski, accusé de multiples fois d'agressions sexuelles par des mineures, et qui fait l'objet d'une grande rétrospective. "Ça me dérange profondément. Je comprends qu'on parle d'artiste, mais ça me dérange qu'on donne des coups de projecteurs à des gens qui sont toujours poursuivis par des enfants, en disant qu'elles ont été violées à l'âge de 13 ans. Ça me pose un vrai problème", a dénoncé l'animatrice.

"Beaucoup m'ont rejoint sur le chemin de la libération de la parole". Un après la parution de La Consolation, c'est une autre affaire, le scandale Harvey Weinstein, qui a replacé au cœur de l'actualité les violences sexuelles infligées aux femmes. "Il y a un an, quand le livre est sorti, j'étais seule. Beaucoup, au fur et à mesure, m'ont rejoint sur un chemin que j'étais en train d'emprunter, celui de la libération de la parole, de la vérité. J'ai trouvé que ces dernières semaines étaient particulièrement effrayantes, puisqu'on se rend compte de l'énormité des choses, et quelque part aussi, elles ont été lumineuses. Je pense que la violence qui ressort dans les propos de ces femmes est à la hauteur de la violence qu'elles ont subie", a commenté Flavie Flament dans Village Médias.

L'amnésie traumatique expliquée dans un documentaire

Le 15 novembre, France 5 diffusera par ailleurs un documentaire co-réalisé par Flavie Flament et intitulé "Viols sur mineurs : mon combat contre l'oubli". Il abordera notamment la question de l'amnésie traumatique, qui explique que de nombreuses victimes d'abus sexuels, comme Flavie Flament, ont oublié pendant parfois des décennies le viol qu'elles avaient subi. "L'amnésie traumatique est un truc extraordinaire dans le cerveau. Quand vous vivez quelque chose qui met votre survie psychique en danger, comme un viol, un attentat ou un crash d'avion, votre cerveau va ranger tout de suite ces souvenirs traumatiques insupportables dans une partie de votre mémoire qui n'est pas accessible", explique l'animatrice, qui a réussi à sortir de cette amnésie grâce à un travail au long cours réalisé aux côtés d'un psychologue.

"Sauf qu'un jour, à la faveur d'un deuil ou de la naissance d'un enfant - quelque chose qui fragilise cette amnésie - la mémoire revient par flash, avec la particularité que les souvenirs ne sont pas polis par le temps. Quand on perd une personne, on peut en parler cinq ou dix ans après avec une tendresse, avec un bonheur dans le cœur. La tristesse s'estompe. La particularité des souvenirs traumatiques, c'est qu'ils sont enfermés à l'état brut, et quand ils resurgissent, c'est avec la même violence et la même intensité", indique l'animatrice.

Pour Flavie Flament, il était primordial d'expliquer ce phénomène, en s'appuyant sur des données scientifiques. L'animatrice s'est même prêtée à une IRM, qui démontre clairement que des parties de son cerveau - notamment l'hippocampe - ont été physiquement affectés par ce traumatisme.