Face aux migrants, "l'Europe est en dessous d'elle-même", estime Bernard-Henri Lévy

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Pauline Rouquette , modifié à

Dans son nouveau film, Bernard-Henri Lévy est allé à la rencontre de migrants sur l'île grecque de Lesbos. Interrogé sur la réponse de l'Europe face à cette crise, le philosophe, invité du Grand rendez-vous, dimanche, a dépeint une Europe "en-dessous de sa vocation", et plaidé pour une diplomatie de l'affect et de l'émotion.

"Ces enfants ne savent pas encore qu'ils sont de trop sur cette terre", dit Bernard-Henri Lévy dans son nouveau film Une autre idée du monde. Invité du Grand rendez-vous Europe 1/CNEws/Les Échos, dimanche, le philosophe et cinéaste est revenu sur la situation des migrants à Lesbos, considérés, dit-il, comme "une humanité de seconde zone" abandonnée par une Europe qu'il considère comme inhumaine.

"Les regarder, eux"

"Face à cette situation, l'Europe est en dessous d'elle-même, en dessous de sa vocation", fustige Bernard-Henri Lévy. "Bien sûr qu'il faut engager le débat sur l'immigration", tempère-t-il, "mais il faut un débat articulé, sérieux". Si le co-réalisateur d'Une autre idée du monde assure qu'il ne s'agit pas de faire de l'Europe "un lieu d'accueil pour 'toute la misère du monde'", il implore néanmoins les dirigeants français et européens à "regarder les visages et les situations".

"Je mets au défi quiconque d'entre nous de rester insensible à la misère, à la détresse de ces enfants qui déjouent les caricatures", poursuit Bernard-Henri Lévy, qui évoque des migrants "otages de m et de querelles idéologiques répugnantes". Des querelles au travers desquelles "les uns instrumentalisent [la question des migrants] au service d'une stratégie populiste de gauche, les autres qui l'instrumentalisent au service de leur stratégie populiste de droite". Bernard-Henri Lévy l'affirme : lui, il voudrait que l'on puisse juste "les regarder, eux".

"Une diplomatie de la réalité, mais aussi de l'émotion

Alors que le philosophe considère que l'Europe n'accueille pas suffisamment, l'Elysée, elle, affirme que le taux d'acceptabilité de l'immigration en France est de plus en plus bas. À cela, Bernard-Henri Lévy répond qu'il s'agit là du travail de la politique que de "convaincre les Français, par exemple, que l'économie française ne fonctionnerait pas s'il n'y avait pas un certain nombre de migrants chaque année."

Plaidant pour une politique de la France et de l'Europe qui soit sensible aussi bien à la réalité des choses qu'à l'humanité et l'émotion, le philosophe assure qu'une bonne diplomatie se fait avec les deux. "Si vous relisez même le plus froid de tous les théoriciens, Machiavel dans les Discours sur la première décennie de Tite-Live, il dit qu'une grande diplomatie, ça se fait avec les deux, ça ne se fait pas seulement avec de la mécanique cynique", dit-il. "Quand on est la patrie de Victor Hugo, quand on est la patrie de Dante, ou si on est de la patrie du romantisme allemand, il faut intégrer cette dimension là."