Manque de lit, de bras… A l'hôpital, les démissions s'enchaînent face à la dégradation des conditions de travail. 1:48
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Guillaume Dominguez, édité par Yanis Darras
Face au manque de moyens et à la dégradation de la qualité du service rendu à l'hôpital public, de plus en plus de soignants démissionnent ou y songent sérieusement. Si certains souhaitent changer de métier, beaucoup se réorientent vers le secteur privé, à la recherche de meilleures conditions de travail. 

Pas assez de temps, d'argent, de matériel, de lits, de bras... À l'hôpital, le personnel n'en peut plus de se serrer la ceinture. Alors, ils sont de plus en plus nombreux à démissionner, faute de conditions de travail décentes. Rien qu'en 2020, plus de 12.000 infirmiers et aides soignants ont claqué la porte de l'hôpital public et une grande partie a décidé de fuir dans le secteur privé. Pire, selon un sondage de l'Ordre national des infirmiers, 29% [des infirmiers] espèrent quitter leur profession d'ici à un an. Des démissions à la chaîne qui se propagent également chez les médecins, qui n'hésitent plus à se questionner sur leur rôle au sein de l'infrastructure.

"Est-ce que je suis complice ?"

Et pour cause, en 35 ans de carrière en CHU, le professeur Pascal Boileau a vu peu à peu les gestionnaires remplacer les médecins à la tête des administrations hospitalières. Une politique du chiffre qu'il juge à l'origine de l'effondrement des conditions de travail et du manque de personnel. "Vous ouvrez la boutique tous les matins et au lieu d'avoir dix employés, vous en avez que sept ou huit parce qu'il y en a deux ou trois qui sont en burn-out", regrette-t-il au micro d'Europe 1. 

Résultat, "je me suis retrouvé avec des patients qu'on ne pouvait pas opérer pendant six, sept ou huit jours. Et forcément, un matin, vous vous regardez dans la glace et vous vous dites : 'Est-ce que je suis complice ou est-ce que je quitte le navire ?' Et bien, j'ai fait le choix de partir", poursuit le médecin. 

Dégradation du service

Après des mois de questionnement, il quitte son CHU en 2019 pour fonder sa propre structure privée. Un choix que de plus en plus de jeunes médecins font aussi, à l'image de Julien. Le jeune homme voulait être urgentiste, mais ses années d'internat ont eu raison de ses ambitions. "Ta journée qui t'attend ne peut pas rentrer dans ta journée prévue par le planning", s'alarme-t-il.

"L'hôpital public est tellement en sous-effectif que tu sais que quand tu prends ton poste à 20 heures, tu as 50 patients qui n'ont pas été vus (par l'équipe précédente) en plus de tes patients, donc ça te met une pression énorme". Face à la situation, le jeune interne avoue "ne pas avoir eu l'envie de subir les conséquences" de la dégradation du service public. Et après sept ans d'internat, Julien, aujourd'hui médecin libéral, estime avoir payé sa dette au service public.