Érosion au Cap Ferret : un homme lutte contre la mer avec une digue de 450 mètres

Benoit Bartherotte
Benoit Bartherotte lutte contre la mer avec une digue de 450 mètres. © PIERRE ANDRIEU / AFP
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Thibaud Hue , modifié à
Le gouvernement a dévoilé, mercredi 4 mai, la liste des 126 communes classées prioritaires face à l’érosion côtière et au recul du trait de côte aggravé par le réchauffement climatique. Le texte prévoit de nouvelles contraintes d’urbanisme et des interdictions de construire. Reportage au Cap Ferret, où une homme lutte contre la mer avec une digue de 450 mètres.
REPORTAGE

Devant sa maison en bois, Benoît Bartherotte fait face à la mer et à la dune du Pilat, seul, tout au bout de la pointe du Cap Ferret. En pointant son doigt vers la mer, il décrit : "Là, vous voyez cette plage à droite, elle continuait avec des dunes et maintenant vous ne voyez que de la mer !". Pour sauver son petit paradis que les eaux engloutissent, il a construit une digue de 450 mètres avec ses propres fonds pendant 37 ans, sur tous les contours de la pointe, pour faire face aux courants.

Des rochers, du béton et du sable repoussent l’eau depuis plus de vingt ans.

"Tout serait balayé très vite si ma digue ne tenait pas"

L’homme de 75 ans l’affirme, sans sa digue, le Cap Ferret aurait aujourd’hui disparu. "Si elle part, il y a deux cents ou trois cents baraques qui disparaissent dans les deux ou trois ans qui suivent. Vous imaginez, le courant qui nous arrive dessus ! C’est 400 millions de mètres cubes deux fois par jours, ça serait balayé très vite si ma digue ne tenait pas".

 

D’abord controversée parce que construite dans le domaine public, sa construction est aujourd’hui jugée d’utilité publique par le Plan de prévention des risques littoraux.

Des risques de submersion d'ici à 2050 à 2100

La ville de Lège-Cap-Ferret fait partie de la liste des 126 communes dévoilée par le gouvernement, qui devront s’adapter en priorité à l’érosion aggravée par le réchauffement climatique. La mairie va devoir cartographier les zones menacées par la montée des eaux, à 30 et 100 ans, pour établir de nouvelles règles d’aménagements du territoire. Car si la digue construite par Benoît Bartherotte a repoussé l’échéance naturelle et soulagé les habitants, le maire de la ville reste très réaliste.

Malgré l’édifice, deux cents logements sont toujours menacés par l’érosion d'ici à 2050 à 2100. Des biens d’une valeur de 5 à 10 millions d’euros, situés en front de mer. Alors le maire, Philippe de Gonneville est très inquiet : "Où les relocaliser au Cap Ferret ? Je ne sais pas. Si on reste sur la même commune, on pourra les relocaliser dans le bourg. Mais dans le bourg, il n’y a ni la proximité du bassin d’Arcachon, ni de la mer".

"On ne peut pas se battre contre les forces de la nature"

L’élu propose donc un fond d’indemnisation pour encourager les habitants à déménager progressivement, lorsque la mer aura repris ses droits. Il n’est d’ailleurs pas le seul à être inquiet de la situation du Cap Ferret. Élodie Martinie-Cousty, pilote du réseau océan, mer et littoraux de France Nature Environnement, condamne vivement la digue de Benoît Bartherotte.

"Elle pose problème ! Un point dur sur une côte sableuse et mouvante ça modifie les mouvements du sable, les courants, et donc l’érosion va s’accélérer sur les parties qui ne sont pas directement concernées par la digue, mais juste à côté. Pour la responsable, la meilleure solution serait de laisser faire la nature et de reculer les points durs, que ce soit les maisons sur le littoral ou les digues.

"De toute façon, elles ne sont pas assez hautes pour vous protéger de la montée des eaux. On ne peut pas en construire sur toutes les côtes, sinon on aurait plus de plages de sable, on aurait plus le plaisir de profiter de nos littoraux encore un peu sauvage. On ne peut pas se battre contre les forces de la nature qui sont bien supérieures aux nôtres", conclue-t-elle.