"Gilets jaunes" : plus de 106.000 manifestants dans toute la France, revivez la mobilisation de samedi

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8.000 personnes ont manifesté à Paris. © BERTRAND GUAY / AFP
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avec Salomé Legrand et AFP , modifié à
Après plusieurs jours de blocages et d'actions à travers la France, les "gilets jaunes" se rassemblaient samedi pour "l'acte 2" de leur mouvement, organisé sur les réseaux sociaux. Des heurts ont éclaté à Paris, où 69 personnes ont été interpellées. 

"Toute la France à Paris" : tel était le mot d'ordre du rassemblement des "gilets jaunes", samedi. Une semaine après leur première journée de mobilisation, les manifestants organisaient "l'acte 2" du mouvement, dans les rues de la capitale, mais aussi en province. Europe 1 vous résume cette journée.  

Les informations à retenir

  • La mobilisation est en baisse par rapport à samedi dernier en France, avec 106.301 manifestants contre 282.710. 
  • La situation étaient particulièrement tendue à Paris où 8.000 personnes étaient rassemblées selon les autorités. 69 personnes y ont été interpellées. 
  • "L'ultra-droite est en train de vouloir monter des barricades sur les Champs-Élysées", a dénoncé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner 

Scènes de chaos sur les Champs-Élysées à Paris 

Camions de gendarmerie mobile, grilles géantes... Samedi matin, un large "périmètre sécurisé" était bouclé autour de l'Élysée, la Concorde, l'Assemblée nationale ainsi que de l'hôtel Matignon, conformément à l'arrêté préfectoral pris vendredi. "C'est très impressionnant", a témoigné au micro d'Europe 1 André, un manifestant venu de Lorient. "Qu'il y ait des forces de police, on s'en doutait, mais de là à ce que ce soit des cordons de CRS, peut-être pas.... On voulait aller aux Champs-Élysées."

Quelque 3.000 membres des forces de l'ordre étaient mobilisés au sein de la capitale. En marge du périmètre de sécurité, les "gilets jaunes" se sont d'abord rassemblés place de l'Étoile aux cris de "Macron démission". Les policiers leur ont finalement ouvert les Champs-Élysées, investis en quelques minutes, vers 10 heures. Des milliers de "gilets jaunes" sont ensuite descendus jusqu'aux abords de l'avenue Matignon, atteignant la limite du périmètre défini par la préfecture. Les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène. Des affrontements ont éclaté, certains manifestants, le visage masqué, tentant de forcer les barrières de sécurité. 

Les manifestants ont alors rebroussé chemin vers les Champs-Élysées. Évoquant une situation "très tendue", la préfecture de Paris indique alors que les forces de l'ordre font usage de canons à eau. Mais "aucun manifestant n'est dans la zone interdite par arrêté", a-t-elle précisé. En fin de matinée, plusieurs manifestants arrachaient des pavés avec des pieds de biche et utilisaient du mobilier urbain pour ralentir la progression des forces de l'ordre. Une remorque a même été incendiée, provoquant une forte détonation. 

barricade

Au cours de l'après-midi, des manifestants ont tenté de remonter les barricades détruites. Deux barricades ont ensuite été mises à feu selon les forces de l'ordre. Un véhicule a également été enflammé au niveau du rond-point des Champs-Élysées. La situation restait tendue, alors que les forces de l'ordre ont fait régulièrement usage de lacrymogènes et de grenades de désencerclement. La devanture d'un café des Champs a pris feu. 

Selon un point du ministère de l'Intérieur vers 19h30, à 17 heures, 106.301 personnes ont été recensées dans toute la France, dont 8.000 à Paris, contre 282.710 la semaine dernière. 1.619 actions ont été comptées sur l'ensemble du territoire. Si Christophe Castaner s'est réjouit que le nombre de blessés soit en baisse par rapport à la journée du 17 novembre, il a noté un "durcissement" de la mobilisation. Selon le ministère, 69 personnes ont été interpellées à Paris, et 130 à travers toute la France. 24 personnes ont été blessées, dont cinq membres des forces de l'ordre. 

Sur Twitter, le président de la République Emmanuel Macron a exprimé sa "honte" face aux violences. "Merci à nos forces de l'ordre pour leur courage et leur professionnalisme. Honte à ceux qui les ont agressées. Honte à ceux qui ont violenté d'autres citoyens et des journalistes. Honte à ceux qui ont tenté d'intimider des élus. Pas de place pour ces violences dans la République", a twitté le chef de l'État.

Vers 18 heures, 400 personnes étaient encore présentes sur les Champs-Élysées. Des dégradations ont eu lieu dans des commerces du secteur des Champs-Élysées. Lors de la conférence de presse aux côtés de Christophe Castaner, le préfet de police de Paris Michel Delpuech a indiqué qu'"à l'heure qu'il est, nous gérons la fin de cette manifestation, avec des groupes qui cherchent à nous harceler". Et d'ajouter : "Nous resterons le temps qu'il faudra, le temps que la situation revienne au calme". 

Christophe Castaner pointe la responsabilité de l'extrême droite 

Lors de sa conférence de presse, Christophe Castaner a de nouveau visé l'ultra-droite, dont "les réseaux étaient très mobilisés dès 10h30 sur les Champs-Élysées". "On voit une évolution du mouvement, à l'appel de Marine Le Pen, qui avait invité les manifestants à venir sur les Champs-Élysées", avait-il affirmé plus tôt dans la journée. "L'ultra-droite est en train de monter des barricades (...) mais nos forces de sécurité avaient parfaitement anticipé cette situation", avait-il poursuivi, regrettant que "les séditieux" aient "répondu à l'appel de Marine Le Pen".

"Je lui réponds que manifestement, il n'est pas un ministre de l'Intérieur, il est un militant politique", avait réagi Marine Le Pen sur BFMTV, évoquant des accusations "indignes" et une "manipulation politique". D'après les informations d'Europe 1, les services spécialisés avaient bien repéré la présence de militants d'ultra-droite sur les Champs-Élysées, mais notaient également la présence de nombreux "gilets jaunes" au profil inconnu, très déterminés, équipés et vindicatifs. 

Du côté de la France insoumise, on a aussi pointé la responsabilité du ministre de l'Intérieur. Interrogé par BFMTV, le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a accusé Christophe Castaner de "mettre en scène les violences". Présent sur les Champs-Élysées, le député de la Somme François Ruffin a lui estimé qu'"il faut que Macron enlève les bouchons qu'il a dans les oreilles et qu'il entende le peuple". "Moi je ne viens pas pour jeter des pavés sur les CRS mais Macron a dit qu'il fallait qu'on vienne le chercher. Les gens viennent en tous cas pour lui passer clairement un message : c'est qu'il faut qu'il change de politique", a-t-il affirmé sur LCI. 

Mobilisation en baisse à l'échelle nationale

Certains responsables des "gilets jaunes" en région avaient eux annoncé qu'ils ne viendraient pas jusqu'à Paris et organiseraient des blocages en d'autres points du territoire, comme le week-end dernier, visant notamment des centres commerciaux et des axes routiers. 

>>> CARTE - Les lieux de blocages en direct 

Plusieurs actions ont été signalées notamment près du centre commercial La Valentine à Marseille ou au niveau du terminal ferry de Loon Plage à Dunkerque. Une opération escargot a eu lieu sur la rocade sud de Rennes. Dans son point de 17 heures, l'opérateur Vinci Autoroute faisait aussi état de manifestants à de nombreuses barrières de péage, dont la liste complète tenue par l'opérateur est à retrouver ici. Des barrages filtrants étaient toujours en cours sur plusieurs barrages de l'A7, de l'A8, au niveau de la frontière espagnole sur l'A9, de l'A10, A11, A20, A50, A52, A64n A66, A63, A81, A83, A87, A89, A837. 

Au péage de la Barque, près d'Aix-en-Provence, les manifestants ont d'abord bloqué la barrière du péage avant d'être délogés par les gendarmes, qui ont usé de gaz lacrymogène, selon France Bleu.  Sur l'A7, les entrées et sorties étaient interdites dans les deux sens au niveau de Montélimar et d'Orange.

À Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône, où une opération "péage gratuit" était annoncée par les "gilets jaunes" sur l'autoroute A6, ceux-ci ont été devancés par les gendarmes selon BFMTV. Une soixantaine de militaires ont bloqué l'autoroute par anticipation, dès 6 heures du matin. 

Au niveau du péage d'Antibes, sur l'A8, une cinquantaine de "gilets jaunes" ont négocié une "voie gratuite" pendant une heure auprès des autorités, s'attirant la sympathie des automobilistes, selon notre correspondant sur place. "La population commence à être avec nous, enfin", a témoigné l'un d'entre eux. A Carpentras, une vingtaine de gilets jaunes qui bloquaient l'accès d'une zone commerciale ont été dispersés par les forces de l'ordre. 

À Bordeaux, plusieurs centaines de personnes ont défilé dans le centre de la ville, malgré l'interdiction de la préfecture, et ont tenté sans succès d'entrer dans l'Hôtel de ville protégé par un important dispositif de sécurité. Ils ont été refoulés par les forces de l'ordre qui ont brièvement fait usage de gaz lacrymogène. La situation était également tendue à Limoges, où les manifestants ont fait tomber les barrières installées autour de la préfecture, rapporte France Bleu Limousin. 

À Redon, en Bretagne, un automobiliste a forcé un barrage et foncé sur trois "gilets jaunes". Une personne a été blessée à la tête et aux côtes, selon la gendarmerie, tandis que les deux autres ont été blessées plus légèrement.