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Ophélie Artaud
Jeudi, le ministre de l'Économie a réaffirmé sa volonté de réduire la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans pour atteindre le plein emploi. Dans les faits, retrouver un travail quand on est sénior est un véritable parcours du combattant. Margaux Gilquin a été confrontée à ces difficultés, et a mis huit ans à retrouver un emploi stable. Elle a réagi à la proposition de Bruno Le Maire au micro d'Europe 1.

Une proposition qui a beaucoup fait réagir. Jeudi, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé qu'il souhaitait réduire la durée d'indemnisation du chômage des plus de 55 ans, actuellement de 27 mois, pour l'aligner sur celle des autres demandeurs d'emploi, de 18 mois. Une mesure qui permettrait, selon Bercy, d'atteindre le plein emploi. Immédiatement, beaucoup l'ont considéré déconnectée de la réalité, et notamment de la difficulté à retrouver un travail après 55 ans. Margaux Gilquin a été confrontée à ce problème, et elle raconte son expérience dans son ouvrage Le dernier salaire (2016, éditions XO). À 48 ans, cette assistante de direction perd son travail après un licenciement économique. Ses droits à l'assurance chômage sont épuisés, et elle doit vivre avec à peine 16 euros par jour, issus de l'allocation de solidarité spécifique (ASS).

"On m'a demandé si on pouvait m'appeler 'mamie'"

Pendant huit ans, Margaux Gilquin cherche un emploi stable, "ponctuée de CDD, de missions plus ou moins courtes, de petits travaux…", détaille-t-elle au micro d'Europe 1. "J'envoyais entre six et huit CV par jour, et dans la nuit il m'arrivait d'en envoyer aussi trois ou quatre." Elle parvient à obtenir "quelques" entretiens d'embauche mais les recruteurs lui font comprendre que son âge est un frein à son embauche. "Ils me disaient qu'à 50 ans, les neurones commencent à moins bien fonctionner. Ils ne s'en cachaient pas du tout. On m'a demandé une fois si on pouvait m'appeler 'mamie', on m'a dit une autre fois 'mais comment pourrais-je vous faire des reproches alors que vous avez l'âge de ma mère", se souvient-elle.

Après la publication de son ouvrage, Margaux Gilquin a été reçue par la ministre du Travail de l'époque, Myriam El Khomri. Elle regrette que depuis, rien n'ait changé. "Au niveau des séniors, rien ne change et avec cette bombe qui est tombée [l'annonce de Bruno Le Maire, ndlr], ça ne va pas du tout arranger les choses. Je ne comprends pas", s'indigne-t-elle. "Je ne comprends pas son discours. Il [Bruno Le Maire, ndlr] s'imagine quoi ? Que les gens de plus de 55 ans sont au chômage de leur plein gré ? Alors qu'ils sont mis à l'écart du marché de l'emploi et que c'est complétement indépendant de leur volonté. Il inverse les choses. Je ne demande qu'une chose, c'est de rencontrer Bruno Le Maire. Il faut que les séniors se lèvent, agissent et réagissent parce que c'est d'une indécence spectaculaire."

"J'ai perdu huit ans de ma vie"

"Je suis d'accord pour que les gens travaillent, mais quand les gens ne sont pas recrutés, comment font-ils ? (Bruno Le Maire) inverse les choses : ce sont les entreprises qui ne veulent pas recruter des séniors, pas les séniors qui ne veulent pas travailler. Plutôt que de profiter de leur savoir pour transmettre aux futures générations, on ne veut plus des séniors", fustige Margaux Gilquin. "J'ai eu de la chance parce que j'ai fini par retrouver un emploi, mais il a fallu que j'écrive un livre, que je passe sur des plateaux télé, j'ai été reçue à l'Élysée, à l'Assemblée nationale… On ne peut pas tous écrire un livre et arpenter des plateaux de télévision pour retrouver un travail, on est à la limite de l'indécence."

Aujourd'hui à la retraite, Margaux Gilquin considère que "c'est un énorme gâchis, j'ai perdu huit ans de ma vie à chercher un emploi qu'on ne me donnait pas", conclut-elle au micro d'Europe 1.