Emmaüs, l'association qui a pensé à la "seconde main" avant tous les autres

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Dora Nanaa
Pour financer ses activités d'aide aux plus démunis, l'association fondée par l'abbé Pierre il y a 72 ans a eu recours à la "récup" bien avant que la pratique ne se développe pour des raisons écologiques. Europe 1 retrace la naissance de cette idée, qui a commencé avec des matériaux comme le carton ou la ferraille. 

Derrière le succès du boncoin, de Vinted et de toutes les entreprises qui se mettent à faire de la seconde main, il y a un principe qui ne date pas d'hier : la fameuse "récup". Bien avant tous ces sites et plateformes numériques, l'un des pionniers en la matière en France fut le mouvement Emmaüs, créé par l'abbé Pierre en 1949. Europe 1 retrace l'histoire de ce projet humaniste, qui vise à offrir une seconde chance aux hommes, et une seconde vie aux objets.

"La chine et la biffe, l'apanage des plus pauvres"

Tout commence donc dans l'après-guerre. "L'abbé Pierre commence à accueillir des personnes qui sont en grande difficulté, à la rue", raconte Valérie Fayard, directrice générale adjointe d'Emmaüs France. Cela se passe dans une auberge de jeunesse, qui deviendra la première communauté Emmaüs, à Neuilly-Plaisance, en banlieue parisienne. "Au départ, il a les ressources de son allocation de député. Puis son mandat s'arrête et il se retrouve alors sans ressources."

Comment, alors, financer cette communauté ? "Il commence à aller faire la manche. Et les premiers compagnons qui l'accompagnent lui disent : 'Mais tu ne peux pas faire la manche, ça n'est pas possible. On va trouver un autre moyen.' Et l'autre moyen, c'est la récupération des matières, à l'époque du carton ou de la ferraille", poursuit la responsable. "C'est ce qu'on appelle la chine et la biffe : dans tous les pays du monde, c'est l'apanage des plus pauvres. Voilà comment a commencé l'activité de 'récup' d'Emmaüs."

"Des brocanteurs au service d'un projet social"

Arrivent alors les Trente Glorieuses et le début de la société de consommation. Les Français s'équipent et se débarrassent de leurs vieilleries. "C'est là où on va commencer notre métier de récupérateurs de tous objets que les Français veulent bien nous donner : des meubles, des bibelots, de la vaisselle, de vieilles cuisines, parce qu'ils s'équipent en cuisine Formica…", explique Valérie Fayard. "Et on devient, en quelque sorte, un peu des brocanteurs. Mais d'un genre particulier : des brocanteurs au service d'un projet social."

Des décennies plus tard, 300.000 tonnes de produits sont collectés, triés et réparés par Emmaüs chaque année, avec toujours le même objectif, selon la directrice générale adjointe : "maximiser l'impact environnemental et social", en récupérant autant que possible mais aussi en créant "un maximum de postes de travail pour les personnes en difficulté".  "Cela va également générer des ressources financières, qui vont nous permettre de payer nos charges liées à l'accueil et l'accompagnement des personnes."

Depuis 2019, Emmaüs s'est aussi lancé dans la vente en ligne, avec une boutique solidaire. En participant à l'élaboration de la loi sur l'économie circulaire, ils ont aussi gagné plusieurs batailles, comme l'interdiction pour les entreprises de jeter leurs invendus. Pour soutenir le mouvement, qui rassemble aujourd'hui 30.000 personnes dans près de 300 structures, rendez vous sur leur site internet