ÉDITO - Les militaires de Sentinelle mobilisés samedi : "La République racle les fonds de tiroirs"

  • Copié
Jean-Michel Aphatie
La mission antiterroriste militaire Sentinelle sera mobilisée samedi pour une nouvelle mobilisation des "gilets jaunes", potentiellement à hauts risques. Un "aveu de faiblesse" aux yeux de notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie.
EDITO

Emmanuel Macron a annoncé samedi la mobilisation des militaires de l'opération Sentinelle pour l'acte 19 de la grogne des "gilets jaunes". Pour notre éditorialiste Jean-Michel Aphatie, "ce n'est pas une démonstration de force de la République, mais plutôt un aveu de faiblesse".

"Les militaires de Sentinelle vont venir soutenir les forces de l'ordre lors des week-ends de 'gilets jaunes'. Que veut dire le verbe 'soutenir' ? C'est cela qu'il faut expliquer. Les militaires de l'opération Sentinelle ne participeront pas aux opérations de maintien de l'ordre. C'est simple. Normalement, samedi, les militaires de l'opération Sentinelle ne doivent pas croiser de 'gilets jaunes'.

Les militaires mobilisés vont remplacer les policiers et les gendarmes qui ont aujourd'hui des gardes statiques, soit sur des lieux stratégiques, soit sur des sites symboliques, comme les lieux de culte ou les ambassades. Ces policiers et gendarmes qui ne seront plus en garde statique iront faire des opérations de maintien de l'ordre.

Ce que l'on ne sait pas, parce que le gouvernement ne l'a pas dit, c'est combien de policiers et de gendarmes seront ainsi libérés de leurs gardes statiques pour aller faire des opérations de maintien de l'ordre. Plusieurs centaines, c'est sûr. Mille ? Deux mille ? On ne sait pas, mais on verra bien dans les prochains jours.

Entendu sur europe1 :
Les opérations de maintien de l'ordre sont tellement épuisantes physiquement et psychologiquement, que tout le monde doit être sur le pont

Qu'est-ce que ça veut dire ? Tout le monde passe à côté de ça… Ça veut dire qu'aujourd'hui, la République racle les fonds de tiroirs. Les opérations de maintien de l'ordre depuis quatre mois sont tellement épuisantes physiquement et psychologiquement pour les gendarmes et les policiers, que tout le monde doit être sur le pont. Si l'on adopte un point de vue pessimiste, on pourrait dire que l'appareil de sécurité français, tel qu'il est sollicité depuis quatre mois, est proche de son point de rupture. Nous sommes dans une épreuve qui est épuisante pour la République. Et si on épuise la République, je ne sais pas par quoi on la remplace.

Mais c'est ce que théorisent à longueur d'années des activistes de tout poil, qu'ils s'agissent des 'black blocs', de certains 'gilets jaunes' qui ont une culture décidément étrange, voire de certains responsables politiques. Car le cynisme et les calculs noirs font partie de la conquête du pouvoir. La nature humaine est faite comme ça.

Entendu sur europe1 :
La journée de samedi a été une déflagration pour la notion d'autorité

Deuxième remarque à propos de la mobilisation des militaires : Édouard Philippe aurait pu l'annoncer lundi dernier dans le dispositif de sécurité générale, mais Emmanuel Macron se l'est préservée pour l'annoncer au Conseil des ministres, mercredi à l'Élysée. Ça veut dire que la journée de samedi a été une déflagration pour la notion d'autorité. Le pauvre Christophe Castaner en a perdu toute sa réputation. Au fond, le président de la République veut montrer qu'il a encore le talisman de l'autorité.

Au total, cette mobilisation des militaires n'est pas une démonstration de force de la République, mais plutôt un aveu de faiblesse."