"Humiliation", "emprise", "claques" : un ancien maître d'internat de l'élitiste établissement privé catholique Stanislas à Paris a été condamné ce lundi à Valenciennes, dans le Nord, à un an de prison avec sursis pour violences sur six élèves. Il affirme avoir simplement "respecté le règlement" et "l'esprit Stan". Lors de l'enquête menée par la brigade des mineurs, les six anciens élèves des classes préparatoires de cet établissement du centre de Paris décrivent des comportements similaires.
L'un évoque un comportement "abusif" et une "emprise psychologique". Il décrit un homme "omniprésent", "voyeuriste", "imbuvable". Un autre rapporte des "piques d'humeur", "des claques derrière le crâne", des placages "au mur, au sol", des "coups de cravache", des "insultes". Un élève raconte aussi que le prévenu lui a demandé de se déshabiller devant lui pour enfiler un costume de magicien et affirme qu'il traitait des élèves de "tarlouze". "Il entrait dans nos chambres, attendait certains camarades à la sortie de la douche", témoigne un autre élève.
Mis en examen pour viol et agression sexuelle
Dans un autre dossier, le prévenu est mis en examen pour "viol et agression sexuelle par personne abusant de sa fonction" au sein de l'internat Saint-Martin-de-France à Pontoise, dans le Val-d'Oise. Au tribunal lundi, une victime raconte : "J'ai refusé ses avances et à partir de là, il m'a rendu la vie impossible". D'autres ont évoqué des fouilles des chambres répétées.
À la barre, le prévenu, un homme à la carrure imposante de 61 ans, crâne dégarni, conteste une partie des faits. Il répète avoir simplement "respecté le règlement" de l'établissement, qui l'a licencié en novembre 2018, et dénonce une "cabale". "Je reconnais que des surveillants ont pu intervenir dans des chambres parce qu'elles n'étaient pas rangées", admet toutefois l'ancien maître d'internat, dans son costume marron. "N'est-ce pas une violation flagrante de leur vie privée ?", l'interroge la présidente. "C'était dans le règlement", rétorque le prévenu, également professeur de musique.
"Il a bon dos le règlement"
La présidente lui demande alors des explications sur les coups de cravache. Une "plaisanterie", balaie-t-il. Il admet avoir pu traiter des élèves de "tarlouzes", ceux "qui ne ressemblent à rien", "mal habillés". "Vous trouvez ça normal ?", demande la présidente. "C'était dans le règlement", réplique le prévenu, pointant des comportements selon lui contraires "à l'esprit de Stan". "Il a bon dos le règlement", tance la présidente.
Il se défend : "Les relations étaient compliquées parce que j'avais régulièrement des remarques à leur faire sur la coupe de cheveux, la tenue, les baskets, le col… toutes les règles de Stan". "J'ai l'impression qu'on voudrait lui faire porter la responsabilité d'un règlement intérieur qui a été signé par l'ensemble des familles !", a lancé son avocate, Me Delphine Audenard.
Stanislas, "un terreau pour ce genre de personnage"
Venu témoigner lundi, Benoît, l'une des victimes, a fait part de "sa crainte" que l'institution parisienne soit "un terreau pour ce genre de personnage". "Il y a une culture d'autorité absolue de l'adulte face à l'enfant et aucune décision ne peut faire objet d'appel (…). L'élitisme fait aussi que si on quitte l'établissement, c'est pour moins bien, alors on a l'impression que si on se plaint, c'est pour ruiner sa vie", a-t-il expliqué devant la presse.
Le prévenu a reconnu être "quelqu'un d'un peu rigide" et a admis "des petites tapes et des propos inadmissibles mais c'est tout". Mais, "j'ai été sollicité pour venir à 'Stan' parce qu'il y avait un règlement (…) qui n'était pas appliqué. Tous ceux qui respectaient ces règles, qui peuvent sembler d'un autre âge, n'ont pas posé de problème", s'est-il défendu. Lundi, il a aussi été condamné à une interdiction d'exercer une activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs pendant cinq ans.
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L'établissement déjà citée dans une polémique
Stanislas avait été placé sous le feu des projecteurs par l'ancienne ministre de l'Éducation Amélie Oudéa-Castera, qui avait expliqué y avoir scolarisé ses trois fils en raison des "heures pas sérieusement remplacées" dans l'enseignement public.
Un rapport de l'Éducation nationale, révélé peu après par Mediapart mais antérieur à cette polémique, avait pointé l'obligation de suivre des cours de catéchisme et les "convictions personnelles" de certains catéchistes "sur l'IVG" ou "susceptibles d'être qualifiées pénalement sur l'homosexualité".