Droits des femmes : "Si le problème est si profond, c'est parce qu'il remonte très loin"

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Pour le philosophe Raphaël Logier, l'affaire Weinstein porte à son acmé le regard mercantile que l'homme, au fil des siècles, a toujours eu tendance à porter sur la femme.
INTERVIEW

Et si le mouvement #MeToo, déclenché par l'affaire Weinstein, était le dernier stade du combat pluriséculaire des femmes pour l'égalité ? Dans le livre qu'il publie à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Descente au cœur du mâle, le philosophe et sociologue Raphaël Liogier replace dans une perspective historique la vague féministe des derniers mois. "Si le problème est si profond, c'est parce qu'il remonte très loin", analyse-t-il jeudi, au micro de la matinale d'Europe 1.

Un combat de longue haleine. "Les grandes révolutions, depuis le 18ème siècle, promettent l'égalité de tous les êtres humains, donc a fortiori les femmes. Or, les femmes ont été immédiatement exclues. Elles ont été exclues du droit de vote, du droit à la propriété, etc", rappelle l'universitaire. "Elles se sont battues pour rendre actives ces promesses. À la fin du 20ème siècle et au début du 21ème, elles ont obtenu l'égalité en droit, seulement dans les grandes sociétés industrielles avancées. Après, il a fallu rendre ce droit applicable : l'égalité économique et sociale. Elles se battent encore. Mais aujourd'hui, le cœur du problème […], c'est le regard des hommes sur le corps des femmes." 

" Au Néolithique, les femmes deviennent un objet qui permet d'accumuler du prestige "

La femme devenue marchandise. Pour lui, si ce regard est si difficile à modifier, c’est parce qu'il applique sur la femme des calques mis en place dès les origines de l'humanité. "Depuis le Paléolithique, les femmes sont exclues des travaux supposés nobles, comme la chasse, pour être confinées à la maison ou à la cueillette […]. Au Néolithique c'est pire, les femmes deviennent un objet qui permet d'accumuler du prestige, et c'est là qu'il y a un problème", pointe Raphaël Liogier.

Désormais, le philosophe voit en l'affaire Weinstein le paroxysme de la réification de la femme. "Weinstein c'est la caricature de ce que j'appelle le capitalisme sexuel, c'est à dire considérer les femmes comme un objet", juge Raphaël Liogier. "Weinstein ne veut même pas jouir du corps des femmes, il veut jouir de son pouvoir à travers le corps des femmes. Il veut que la femme qui vient dans sa chambre, qui peut être une star, sache pourquoi elle est là".