Des autistes filmés dans leurs chambres sans autorisation, le Défenseur des droits saisi

© LIONEL BONAVENTURE / AFP
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G.S.
En Seine-et-Marne, une Maison d'accueil spécialisée a fait installer des caméras dans les couloirs et les chambres. Sans demander les autorisations nécessaires.

La Maison d'accueil spécialisée (MAS) Vercors, à Nandy, en Seine-et-Marne, est dans le viseur du Défenseur des droits, révèle mercredi Le Parisien. Cette structure, qui accueille des adultes autistes, a installé des caméras de vidéo-surveillance dans les couloirs et les chambres des usagers. L'objectif affiché était de préserver la sécurité des résidents, qui peuvent se mettre en danger à tout moment. Problème ? L'institution n'a demandé aucune autorisation, que ce soit pour installer les caméras ou pour pouvoir les visionner. Certaines familles et d'anciens salariés dénoncent aujourd'hui des pratiques "inadmissibles".

Ce qui est reproché à l'institution. Concrètement, les usagers de cette structure sont filmés 24h/24, et ce depuis sept ans. Les images peuvent, même la nuit, être visionnées depuis la salle des éducateurs. Ainsi, l'intimité des résidents n'est jamais acquise, même lors des visites des proches. Si, en soi, la vidéo-surveillance n'est pas illégale, même dans les chambres, elle nécessite de nombreuses autorisations. Or, là, l'institution n'a demandé ni d'autorisation écrite aux familles, ni prévenu la CNIL (Commission nationale informatique et liberté), ni rédigé de protocole d'utilisation pour encadrer l'utilisation des vidéos, ce qui est illégal. Certaines familles et même un ancien salarié ont donc saisi le Défenseur des droits, qui pointe aujourd'hui un cas de "maltraitance délibéré".

"Certains résidents se relevaient la nuit et déféquaient sur leur lit ou avaient des comportements intimes. (Devant les images) il y avait toujours des collègues qui rigolaient bêtement", explique un ancien salarié cité par Le Parisien. Un autre évoque aussi "un climat humain insupportable". "Les résidents ont notamment des pulsations sexuelles, ce qui est normal, mais il est inadmissible que d'autres puissent voir ça", renchérit la mère de l'un des usagers.

Le Défenseur des droits, pour sa part, somme la direction d'informer formellement toutes les familles, de leurs demander à chacune les autorisations nécessaires (et de retirer la caméra de la chambre en cas de refus d'autorisation). Elle devra également rédiger un protocole d'utilisation des images pour un "usage raisonné et respectueux de la vie privé".

Comment se défend la direction ? Contacté par Europe 1, Marcel Hérault, président de l'association Sésame-autisme gestion et perspectives, qui gère, entre-autres, l'établissement concerné, assure pour sa part que toutes les familles étaient au courant. Même s'il reconnaît que la précédente direction de l'établissement en question n'avait pas respecté toutes les procédures. "Ce qui était totalement inadmissible, c'est  que l'ancien directeur était incapable de rédiger un protocole d'utilisation. Cela a pu mener à des dérives. Et c'est pourquoi il a été limogé en décembre dernier", explique Marcel Hérault. Selon lui, en revanche, les caméras, même dans la chambre, "sont une bonne chose si elles sont utilisées intelligemment".

Le dispositif, en effet, permet d'intervenir rapidement si l'usager fait une crise. Selon la direction, il sert notamment au veilleur de nuit, "qui ne peut pas être partout". "J'ai perdu mon fils à cause d'une crise d'épilepsie. C'était en 1999. S'il y avait eu une caméra, il aurait peut-être eu la vie sauve. Il faut savoir qu'un autiste peut se mettre en danger, en faisant un chute, en se tapant la tête contre les murs en pleine nuit par exemple", argumente Marcel Hérault, sans toutefois pouvoir expliquer pourquoi il a attendu sept ans avant de limoger l'ancien responsable de la Mas Vercors.

Que va-t-il se passer maintenant ? Pour l'heure, les caméras n'ont pas encore était arrêtées, même dans les chambres. La nouvelle direction de l'établissement assure qu'elle a envoyé toutes les demandes d'autorisation nécessaires pour les faire fonctionner. Le Défenseur des droits, qui doit désormais être tenu au courant, assure pour sa part n'avoir encore rien reçu. La direction, elle, risque sept ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amendes si le Défenseur des droits décide de saisir la justice.