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Thibault Nadal
Sarah souffre d'amaxophobie, soit la phobie de l'autoroute, depuis cinq ans, date à laquelle elle a passé son permis. Dans "La libre antenne - week-end" de Sabine Marin sur Europe 1, elle revient sur les raisons de cette peur et raconte des anecdotes de vie, qui expliquent en partie ces crises d'angoisse et cette peur de conduire sur l'autoroute.
TÉMOIGNAGE

>> Tous les soirs dans la Libre Antenne d'Europe 1, les auditeurs se confient et témoignent. Une difficulté, une mauvaise passe ou un moment de bonheur, notre Libre antenne est avant tout la vôtre. Au micro de Sabine Marin ce soir-là, Sarah a choisi de raconter son histoire de vie bouleversée par une absence de liberté et aussi, sa maladie, l'amaxophobie, la phobie de l'autoroute.

"Je me permets de vous appeler parce que j'ai un très grand problème. Je n'arrivais pas à mettre de nom dessus et on m'a dit que c'était de l'amaxophobie, la phobie de l'autoroute. Par exemple, quand je conduis dans Paris, je n'ai aucun problème, je peux vous emmener où vous voulez. Je n'ai pas le problème pour rentrer dans une voiture ou être passager à l'avant. Je n'ai, non plus, jamais eu d'accident dans toute ma vie, que ce soit avec mes parents, ou avec quiconque. Cette phobie est apparue il y a cinq ans quand j'ai commencé à passer mon permis. Dès que je rentre sur l'autoroute, c'est fini, je ne peux pas, c'est impossible.

"En entrant sur l'autoroute, je ne voyais plus clair"

J'ai passé mon permis à 56 ans, parce que j'avais une vie professionnelle un petit peu perturbé. En fait, je sortais très tard le soir. Je n'avais jamais le temps et un jour, je me suis dit 'tiens, au lieu de prendre tout le temps le taxi, le métro, je passe mon permis'. Quand j'ai fait le test au centre à Paris, je n'ai eu aucun problème. C'est en rentrant sur l'autoroute, je ne voyais plus clair, j'avais des vertiges et je me sentais partir. Et là le monitor m'a demandé 'qu'est-ce qui se passe ?' Je lui ai répondu que je faisais une crise de panique. Ma peau était sèche, je n'avais plus de salive. Et puis mes pieds, c'était du bois. À partir de ce moment-là, il a repris le contrôle. On est tout de suite sortis de l'autoroute et là il m'a dit que j'avais peur des vitesses.

Après cet incident, je n'ai pas continué, j'ai laissé tomber. Finalement, je l'ai repassé en me disant que ce n'était pas possible ce qu'il s'était passé. Sur le périphérique, le premier jour ça n'allait pas, mais le deuxième, ça s'est bien passé. Avec l'autre moniteur, je ne suis pas parti sur l'autoroute. On a fait que du périphérique, on a tourné autour de Paris, ce qui m'a en fait donné la chance d'avoir mon permis.

Mais mon problème maintenant, c'est que ce n'est pas possible d'aller sur l'autoroute. J'ai essayé avec mon fils il y a un mois et demi, mais ce n'est pas possible. Ça recommence de la même manière : je n'ai plus de jambes, c'est comme si j'allais m'évanouir, je n'ai plus rien. J'ai peur de perdre le contrôle, de me faire percuter par un camion. 

Des crises d'angoisse qui vont au-delà de l'autoroute

J'ai été voir une sophrologue. Au bout de deux séances, ça ne m'a rien apporté. Elle me disait 'imaginez-vous dans un balcon ou dans un endroit où vous êtes bien'. Mais rien n'a marché. Ça me handicape beaucoup de ce problème. Je me suis aperçu que le matin, je me lève angoissée. Il y a sept ans, alors que je prenais l'avion, j'ai fait une crise de panique. Mais c'était quelque chose de nouveau, car je le prenais environ cinq fois par an. Mais cette fois-ci, j'ai fait une vraie crise de panique. J'étais pliée en deux, je criais très fort.

Autre anecdote : l'année dernière, j'étais en vacances avec mes petits enfants et mes enfants. Mais tout à coup, j'ai eu une crise pendant deux jours, une crise d'angoisse, je ne pouvais même plus respirer. Le soir, c'est comme si j'étais asthmatique.

Un mariage forcé comme origine de ces dépressions

J'ai grandi dans une famille très autoritaire, mais pleine d'amour. Ma mère était très autoritaire. Avec elle, c'était seulement l'école et le la maison, je ne pouvais rien faire à côté. Pour vous donner un exemple, je n'avais pas le droit d'aller à la piscine. Je n'avais pas le droit d'aller chez mes copines. Ce sont elles qui devaient venir, et encore, pour les voir, il fallait savoir de quelles origines étaient, ainsi que celles de leurs parents venaient. J'avais beau pleurer, ça ne changeait rien.

Ensuite, j'ai eu un mariage forcé, dont je ne voulais pas. Mais il fallait que je me marie avec quelqu'un qui vient de la même origine sociale que moi. Mes dépressions ont commencé à ce moment-là. Après ce mariage, j'ai tout fait pour divorcer. J'ai même fait une tentative de suicide. Mais bon, après, ça n'a rien donné parce que je suis reparti chez mes parents. Je ne voulais pas rester longtemps chez eux, car je ne souhaitais pas entendre 'tu es la honte de la famille'.

Après mon divorce, ma mère m'en a beaucoup voulu, elle m'a coupé les vivres. Je me suis, par la suite, re-mariée, mais là encore, ça a été une catastrophe. Elle détestait le père de mon fils, car il n'était pas du même rang que moi. Moi, je l'aimais, mais cette situation m'a coûté 'bonbon', comme on dit. J'ai fait dépression sur dépression, parce que j'en avais tellement marre. Ce n'était plus possible. Le problème, c'est que ce mariage a aussi fini en divorce, quand j'ai appris qu'il s'était re-marié sans que je sois au courant. Après ça, j'ai repris ma liberté en travaillant. Je voulais enfin leur montrer que j'étais capable de me refaire toute seule. Je leur ai prouvé, mais finalement je me suis demandé 'qu'est-ce que j'ai à prouver à mon âge ?' Je ne sais pas.

"Après un accouchement, il est juste venu me voir pour me demander un paquet de cigarettes"

J'ai ensuite rencontré un troisième homme, le père de mes deux filles. Mais malheureusement, je devais l'entretenir. On a essayé de faire deux enfants, mais il ne s'en est jamais occupé. J'ai fait deux accouchements. Je priais Dieu pour perdre les eaux le soir et que personne ne me voit. Quand j'ai perdu les eaux pour mes deux filles, je prenais le taxi et je partais toute seule à la clinique. Une fois, après un accouchement, il est juste venu me voir pour me demander un paquet de cigarettes, alors que les gens m'apportaient des fleurs.

Puis un jour, après 20 ans, je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je me suis regardé dans une glace et je me suis dit 'tu as tout, pourquoi tu restes avec ça ?' Et là, je suis allée le voir et je lui ai dit 'dégage, tu as 9h pour partir' et à ce moment-là, je me suis sentie libérée. C'est comme si ces 20 ans de relations n'avaient jamais existé. Finalement, j'ai tout réussi, sauf ma vie sentimentale".