Cuir de poisson, végétal ou de liège : trois initiatives qui réinventent la maroquinerie

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Lucie de Perthuis , modifié à
Alors que s'ouvre lundi le Leatherworld Paris, un salon dédié à l'industrie du cuir, Raphaëlle Duchemin recevait dans "La France Bouge" trois entrepreneurs qui travaillent de nouvelles matières, comme le poisson ou encore le liège. Mêler l'éthique à la créativité pour proposer de nouveaux produits originaux et respectueux de l'environnement, notamment en maroquinerie, voilà le projet de ces trois artisans. Ils racontent comment ils bousculent l'industrie du cuir et de la maroquinerie au micro d'Europe 1. 

Un porte-monnaie en champignon, un sac à main en liège, ou encore une montre en cuir de poisson... Autant de produits créés par de jeunes entreprises françaises, bien décidées à révolutionner les métiers du tannage. A l'occasion de l'ouverture lundi du Leatherworld Paris, un salon dédié à l'industrie du cuir au Bourget, Raphaëlle Duchemin reçoit dans La France Bouge trois entrepreneurs français qui innovent en la matière. Avec la montée du véganisme et des préoccupations environnementales, de nouvelles matières se développent et s'imposent sur le marché.

50.000 tonnes de peau de poisson jetées chaque année

Si le mot cuir ne peut être utilisé que lorsqu'il s'agit de peau animale, c'est le cas des produits de Ictyos. Mais dans cette start-up, pas de peau de bœuf ou autre mammifère terrestre. Il s'agit en fait de cuir marin ! Cette entreprise, née après un dîner entre amis au restaurant, transforme les peaux de poissons en cuir. "On s'est rendu compte que les peaux de poisson étaient systématiquement jetées à la poubelle par les restaurants. En France, 50.000 tonnes de peau sont jetées chaque année", explique Benjamin Malatrait, cofondateur de Ictyos.

Des peaux récupérées dans des restaurants

"Dès le lendemain du restaurant où on a fait ce constat, on est allé récupérer une peau de poisson dans un restaurant de sushis, et des écorces d'arbres dans la forêt. On a utilisé un vieux procédé de tannage, et deux mois après on a eu un premier résultat : la peau de poisson peut bien être transformée en cuir !", se souvient Benjamin Malatrait. Après des mois de recherches et une levée de fonds, les fondateurs de Ictyos fabriquent du cuir de saumon, de carpe et d’esturgeon. Et toutes les peaux sont récupérées dans des restaurants, pour favoriser l'économie circulaire et limiter l'impact écologique. "L'idée c'est d'utiliser les matières de façon intelligente et créative. Le poisson offre une grande diversité : chaque procédé et donc chaque cuir est différent en fonction de l'espèce", précise Benjamin Malatrait. 

 Et c'est dans le respect du bien-être animal que deux autres entrepreneuses explorent de nouvelles techniques de tannage, à partir de matériaux végétaux. Si on ne peut pas parler de leurs produits comme du cuir, ils s'imposent petit à petit dans le secteur de la maroquinerie, venant concurrencer le cuir traditionnel.

Travail du fenouil ou de la mangue

Paola Borde a monté sa marque de maroquinerie d'art végétal. Pour cela, elle a du mettre au point de nombreuses techniques, pour travailler le fenouil, l'ananas, le champignon, ou encore la mangue. "C'est véritablement une passion", explique Paola Borde, qui est la première en France à proposer des produits de maroquinerie d'art végétal. De son côté, Magali Rotllan créée des produits de maroquinerie à partir de liège. Deux initiatives originales et respectueuses de l'environnement. Les produits de Paola Borde sont entièrement confectionnés à la main en France, à partir de produits d'origine naturelle. "Les matières végétales sont fines, et dans la maroquinerie il faut une certaine épaisseur. Mais je ne veux pas tricher, j'utilise la matière elle-même, je superpose les couches, avant de les coudre et d'appliquer la teinture de finition", explique-t-elle. 

Le liège, "souple et robuste"

De la même façon que lorsque l'on pense aux fruits et aux plantes, le liège renvoie plus aux bouchons de champagne qu'aux sacs à main. Une matière "à la fois souple et robuste", pour Magali Rotllan qui l'utilise pour produire des sacs à main, des ceintures ou des portes-monnaie. "J'utilise un liège produit et coloré dans une usine au Portugal", explique la jeune femme, diplômée d'un CAP de maroquinerie. Lorsqu'elle est tombée enceinte, elle a voulu s'y remettre après avoir complètement abandonné cette activité, devenue une passion. "J'ai d'abord travaillé le vrai cuir, mais cela ne me correspondait pas", affirme l'entrepreneuse. "J'ai complètement craqué pour le liège, sur tous les aspects, notamment écologiques", conclut-elle. 

Un chiffre d'affaires annuel de 25 milliards d'euros 

La France est le quatrième pays exportateur de cuir au monde, avec sept millions de tonnes de cuir produit chaque année. La filière représente 94.000 entreprises et 130.000 salariés, pour un chiffre d'affaires annuel de 25 milliards d'euros. Une industrie qui se porte bien, et qui semble promise à un bel avenir, comme en témoignent ces entrepreneurs innovants. Un premier fonds d'investissement a été lancé l'été dernier : cinq millions d'euros débloqués pour accompagner les jeunes travailleurs du cuir, les initiatives innovantes et les nouveaux procédés de fabrication. Et de cette créativité dépend aussi l'avenir des géants du luxe dans les années à venir. 

De nouveaux procédés que Paola Borde espère démocratiser. Son rêve : "créer une nouvelle discipline. Ce dont j'ai envie, c'est que les jeunes puissent apprendre à travailler les matières végétales, qu'il existe un diplôme !", assure la jeune créatrice.