Total TotalEnergies 1:47
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Louise Sallé, avec avec AFP
Des scientifiques révèlent dans une étude publiée mercredi que Total a eu une attitude plus qu'ambiguë vis-à-vis de conclusions scientifiques connues dès le début des années 1970. Le groupe n'aurait admis la réalité du changement climatique qu'au cours de la décennie 2000.
DÉCRYPTAGE

C'est une fâcheuse publicité pour le groupe Total. Selon un article scientifique paru mercredi, le groupe français avait connaissance des conséquences néfastes de ses activités pour le climat dès 1971 mais a entretenu le doute à la fin des années 1980 et cherché ensuite à contrecarrer les efforts pour limiter le recours à ces énergies fossiles.

Christophe Bonneuil, directeur de recherche au CNRS, Pierre-Louis Choquet, sociologue à Sciences Po, et Benjamin Franta, chercheur en histoire à l'université américaine de Stanford, ont étudié les archives du groupe pétrolier, devenu TotalEnergies au premier semestre 2021, ainsi que des revues internes et des interviews, selon cet article publié dans la revue Global Environmental Change.

Un doute alimenté par Total

Une publication dans la revue de Total, en 1971, expliquait que la combustion d'énergies fossiles conduit "à la libération de quantités énormes de gaz carbonique" et à une augmentation de la quantité de gaz carbonique dans l'atmosphère. Une "augmentation (…) assez préoccupante". Pour autant, le groupe a passé ce sujet sous silence, relèvent les chercheurs. Ce qui est reproché à Total, c'est la façon dont le géant pétrolier aurait alimenté ensuite le doute sur ces résultats scientifiques un peu comme l'industrie du tabac qui minimisait le danger de la cigarette.

Au milieu des années 1980, le géant américain Exxon, via l'Association environnementale de l'industrie pétrolière (IPIECA), prend la tête d'une campagne internationale des groupes pétroliers pour "contester la science climatique et affaiblir les contrôles sur les énergies fossiles", poursuivent les chercheurs. Dès la fin des années 1980, Total milite activement contre la mise en place d'une écotaxe.

Changement d'approche à la fin des années 1990

A la fin des années 1990, l'approche change. Les experts climat de l'ONU, le Giec, publient leur premier rapport. Le sommet de la Terre à Rio en 1992 débouche sur l'adoption de la Convention cadre des Nations-unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le protocole de Kyoto est adopté en 1997. "L'industrie pétrolière française cesse de remettre en cause publiquement les sciences climatiques, mais continue à augmenter ses investissements dans la production pétrolière et gazière", à insister sur "l'incertitude, minimisant l'urgence (climatique) et à détourner l'attention des énergies fossiles comme cause première du réchauffement" climatique mondial, poursuivent les chercheurs.

Total poursuit ce discours-là jusque dans les années 2000, avant de reconnaître la réalité du changement climatique. On savait que les pétroliers américains comme ExxonMobil le faisaient, mais c'est la première fois qu'on apprend, selon cette étude, que notre fleuron français a fait la même chose.

Pas de dissimulation, répond Total

Dans une réponse transmise à l'AFP avant la publication de l'article scientifique, le groupe déclare : "La connaissance qu’avait TotalEnergies du risque climatique n’était en rien différente de la connaissance émanant de publications scientifiques de l’époque (les années 70 : ndlr)". "Les dirigeants de Total (…) reconnaissaient l’existence du changement climatique et le lien avec les activités de l’industrie pétrolière" et depuis 2015, la société a pour objectif "d’être un acteur majeur de la transition énergétique", poursuit-il.