Comment se passe l'arrivée des migrants dans les centres d'accueil et d'orientation ?

Les migrants quittent lundi "la jungle" de Calais
Les migrants quittent lundi "la jungle" de Calais © AFP
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M.D. avec les reporters d'Europe 1 , modifié à
Plus de 2.300 migrants ont déjà quitté lundi la "jungle" de Calais lors du premier jour du démantèlement. Direction : les CAO, les centres d'accueil et d'orientation, répartis partout en France.

2.318. C'est le nombre exact de migrants qui ont déjà laissé derrière eux le plus grand bidonville de France : la "jungle" de Calais. Après 14 années d'existence, celle-ci est en train d'être démantelée depuis lundi. L'opération, qui s'est déroulée sous l’œil des caméras du monde entier avec des centaines de journalistes accrédités, s'est déroulée dans le calme. Les premiers migrants, transportés dans 45 cars, ont été répartis sur tout le territoire français, dans les 451 centres d'accueil et d'orientation. Alors que ces derniers s'installent et sont tout à la joie d'avoir quitté Calais, en face, les habitants sont partagés. Si dans certains cas, les villageois accueillent à bras ouverts, dans d'autres, c'est la méfiance, la suspicion et le rejet qui l'emportent. 

"On est vraiment heureux". Pour les migrants, c'est d'abord un immense soulagement. "On est bien accueillis, ça change beaucoup de Calais où l'on était quand même en insécurité, il y avait beaucoup de problèmes tous les jours", témoigne l'un d'entre eux qui a atterri à Lyon avec 27 autres migrants. "Ça me donne envie de pleurer, je me sens comme chez moi ici", renchérit Abdull, 20 ans, qui vient lui d'arriver dans un centre à Croisilles, près d'Arras dans le Pas-de-Calais. "Il y a l'eau chaude, le chauffage, c'est ça qui importe. Il faisait tellement froid dans la 'jungle'", se souvient-il, avant d'ajouter : "J'espère qu'un jour, les gens réaliseront tout ce qu'ils ont fait pour nous. Je ne peux pas construire mon avenir ici sans un peu d'aide. C'est tout ce dont on a besoin". 

Pour leur premier repas, la trentaine de migrants mange dans le réfectoire. Il y a des rires, quelques silences. "On est vraiment heureux parce que l'on vient de la jungle", se réjouit Bakri lui-aussi. Ce Soudanais en est bien conscient : "on sait que l'on a la responsabilité de montrer une bonne image des migrants". Ce n'est pas gagné, dehors, dans les rues du village, les habitants manifestent pour qu'ils partent.

Calaismigrants

© Iris ROYER DE VERICOURT Thomas SAINT-CRICQ Claire GALLEN / AFP

"On est chez nous". Cela fait même plusieurs jours qu'à Croisilles, des tracts du Front national sont distribués dans les boîtes aux lettres. "Ma peur, c'est que des éléments extérieurs viennent profiter de quelque façon que ce soit ou viennent attiser de la haine. On n'a jamais été un mouvement politique", explique ainsi un villageois. Les élus et militants FN tentent eux de se défendre de toute récupération politique. "Moi, je peux dire que je viens du Front national et que je ne fais pas de récupération politique. Je suis là en tant que citoyen. En tant que politique, je suis fier car je défends les habitants de Croisilles", glisse l'un d'eux. 

Un habitant tente de calmer les esprits en demandant à ne "pas attiser les haines". Peine perdue. Les plus virulents sont déjà devant le centre d'accueil, aux cris de "on est chez nous" lancés d'abord par des sympathisants du FN venus d'autres villages du département. De leur côté, les migrants, s’effondrent eux sur leurs lits. Prochain objectif : rédiger leur demande d'asile. 

"Tous les autres, que vont-ils devenir ?" L'asile, c'est l'obsession de tout migrant. A Saint-Brévin-les-Pins, en Loire-Atlantique, une centaine de bénévoles est venue s'occuper des 47 migrants, en majorité soudanais, qui sont arrivés après dix heures de car. Si ces derniers ont proposé leur service pour des cours de français, des ateliers artistiques ou des trajets, ils vont surtout aider les migrants à obtenir l'asile.

"Pour ceux qui vont obtenir le statut de réfugiés, c'est bien", commente Marie-Pierre, de l'association La Cimade. "Ils vont pouvoir essayer de s'insérer, apprendre le français et peut-être trouver du boulot". Mais cette dernière est inquiète pour les futurs recalés. "Tous les autres, qu'est-ce qu'ils vont devenir, est-ce que l'on va les mettre manu militari dans des avions pour les renvoyer chez eux en Érythrée, au Soudan ou ailleurs ?", s'interroge-t-elle. Une question qui restera sans réponse tandis qu'une autre échéance se profile : dans six mois, EDF récupérera son centre.