Comment parler de l'attentat de Nice aux enfants ?

Jeudi 14 juillet 2016, à l'issue du feu d'artifice, un homme au volant d'un camion a foncé dans la foule à Nice, tuant au moins 84 personnes.
Jeudi 14 juillet 2016, à l'issue du feu d'artifice, un homme au volant d'un camion a foncé dans la foule à Nice, tuant au moins 84 personnes. © AFP
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LES CONSEILS DU PSY - Après l'attaque jeudi soir à Nice ayant fait au moins 84 morts, dont des enfants, Europe 1 vous donne quelques conseils pour en parler avec les plus jeunes. 

Près de huit mois jour pour jour après les attentats du 13-Novembre, la France est de nouveau frappée par le terrorisme. Cette fois, l'attaque a eu lieu sur la Promenade des Anglais, à Nice : jeudi soir, un camion a foncé sur la foule composée de centaines de familles réunies pour assister au feu d'artifice organisé à l'occasion de la fête nationale. Comment parler de cet événement tragique avec ses enfants, tout en les préservant ? Stéphane Clerget, pédopsychiatre et praticien à l'hôpital de Cergy-Pontoise, délivre quelques conseils. 

D'abord, tout dépend de l'âge de l'enfant. Evidemment, les réponses et les explications varieront selon l'âge des enfants. En-dessous de six ou sept ans, "s'ils n'en ont pas entendu parler, ce n'est pas la peine de le faire", indique le pédopsychiatre Stéphane Clerget, qui précise qu'étant donné la période de vacances scolaires, et donc l'absence d'école, ils vont probablement être moins exposés à l'événement par leur entourage extérieur.

Etre à l'écoute. Mais s'ils en entendent parler ou sont témoins de notre inquiétude, il est nécessaire de leur expliquer la situation et de les rassurer. "Ce qui est important avec les enfants, c'est déjà de les écouter pour voir ce qu'ils ont retenu, ce qui les tracasse", souligne Stéphane Clerget, auteur de l'ouvrage Le pédopsy de poche : Tout ce qu'il faut savoir pour élever un enfant de 3 à 11 ans. Autrement dit, être attentif à leurs interrogations, à ce qu'ils ont vu ou entendu, et ce qu'ils croient savoir.

En parler avec des mots simples. Lorsqu'on leur apporte des réponses, "il faut rester dans le factuel, être prudent", savoir faire preuve de sobriété pour ne pas effrayer. Quant aux mots à employer, c'est, là encore, variable en fonction de l'âge. Pour les plus petits, l'idée d'acte criminel sera préférable à celle de terrorisme, selon le pédopsychiatre. "On peut leur expliquer que c'est un monsieur qui a conduit son camion dans la foule, que c'est un criminel. Pour de jeunes enfants, c'est moins angoissant et cela ramène l'acte à un geste individuel, donc c'est plus facile à appréhender", explique Stéphane Clerget.

La question du "pourquoi". Mais la question du pourquoi, récurrente chez les enfants, va très vite surgir. "C'est la plus compliquée", concède le spécialiste. Pour l'instant, on ne connaît pas encore les motivations du conducteur du camion ayant foncé dans la foule. Mais on peut formuler – selon différentes hypothèses - "que c'est quelqu'un de très mal dans sa peau" ou qu'il est "en guerre contre la France". "Les enfants font la bataille, donc ils connaissent la notion de combat", assure Stéphane Clerget.

En adaptant son langage, "il faut évoquer différentes hypothèses et demander à l'enfant sa propre hypothèse". "Si l'on est avec des adolescents, là on peut donner des explications plus géopolitiques. Plus l'enfant est grand, plus on va pouvoir formuler avec lui des hypothèses et donner du contexte", poursuit le pédopsychiatre.

Communiquer sur ses émotions. Surtout, "s'ils sentent nos angoisses, ils vont être angoissés à leur tour. La peur de l'enfant va vraiment être dépendante de celle de ses parents. De façon générale, son état émotionnel va être totalement corrélé au leur", explique Stéphane Clerget. C'est pourquoi, "il faut expliquer à l'enfant pourquoi on est inquiet, et surtout, lui dire ce que l'on va faire pour se protéger, pour le protéger", insiste le pédopsychiatre.

Par exemple, si l'on décide désormais d'éviter les rassemblements ou les terrasses, ou de faire un peu plus attention, il faut leur dire pourquoi l'on réagit comme cela. Sans dramatiser, "on peut expliquer la notion de risque, comme le risque de tomber malade".

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Informer, tout en préservant. Enfin, il est important de façon générale de préserver ses enfants, en évitant notamment de les exposer aux images diffusées à la télévision. "C'est potentiellement anxiogène, et très peu informatif", affirme Stéphane Clerget. "L'image a un effet de sidération, elle va s'imposer à eux, les parasiter sans qu'ils ne comprennent forcément", développe le pédopsychiatre.

A l'inverse, les magazines spécialisés pour les enfants peuvent être un bon moyen de les informer, tout comme la radio : "Par le biais de l'écoute, ils ne comprennent que ce qu'ils peuvent comprendre. Avec la télévision, l'enfant est obligé d'avaler l'information effrayante, même s'il ne peut pas la digérer, alors que le fait de lire ou écouter ne dépasse pas leurs capacités de digestion émotionnelle", explique le spécialiste.