Cinq infos étonnantes sur la relation entre l’Homme et les animaux dans l’Histoire

Dans la Rome antique, "sur les tombes, des textes permettaient de voir ce que les gens pensaient de leurs animaux, on observe des sentiments assez proches de ceux que l’on connaît actuellement" explique Éric Baratay
Dans la Rome antique, "sur les tombes, des textes permettaient de voir ce que les gens pensaient de leurs animaux, on observe des sentiments assez proches de ceux que l’on connaît actuellement" explique Éric Baratay © AFP
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Nathan Laporte , modifié à
Comment sont-ils devenus nos meilleurs amis ? Depuis quand parle-t-on de la souffrance animale ? À travers l’Histoire, le rapport que les hommes entretiennent avec les animaux a beaucoup évolué. L’historien Éric Baratay détaille dans une interview pour le podcast “Au Cœur de l’Histoire”, cinq moments marquants de ce lien qui unit l’homme à l’animal. 
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La relation entre l’Homme et l’animal, c’est une longue histoire ! Le processus de rapprochement a commencé il y a au moins 15.000 ans, avec la domestication du chien. Et le rapport que les hommes entretiennent avec les animaux a beaucoup évolué à travers le temps. L'animal a été tour à tour un objet de recherche, un outil, une force de travail et bien sûr, un compagnon. L’historien spécialiste des relations hommes-animaux Éric Baratay, invité du podcast "Au cœur de l'Histoire", nous éclaire sur cinq faits remarquables de l’histoire de cette relation.

Les animaux, sujets d’étude...dès Aristote

"Comment penser les animaux alors que nous ne sommes que des humains, c'est-à-dire une espèce animale parmi d'autres ?" Voilà une question philosophique complexe et … en réalité très ancienne. "C’est un débat qui est posé dès l’Antiquité, chez Aristote, Pythagore ou encore Plutarque", rappelle l’historien Éric Baratay. Persuadé que le monde animal est accessible à l’intelligence humaine, Aristote consacre neuf livres à son "Histoire des animaux", dans lesquels il compile les observations sur la diversité animale. À l’époque, science et philosophie ne sont pas encore séparées, et on lui reprochera ensuite sa tendance à prêter aux animaux des qualités psychologiques proprement humaines. Aristote décrit ainsi la "stupidité" du sanglier, "l’orgueil" du paon, ou encore la "perfidie" du serpent.

En plus de l’anthropomorphisme, un autre chausse-trape se présente au penseur : l’anthropocentrisme, "c'est-à-dire à juger les animaux par rapport à soi. C'est deux défauts qui se rejoignent", selon Éric Baratay.

À Rome, on inhumait ses animaux favoris

Pour ce qui est des animaux familiers, l’historien Éric Baratay en trouve les traces en Égypte antique. D’abord utilisé contre les rongeurs pour protéger les récoltes, le chat devient par la suite le compagnon de l’Homme. Mais à Rome, "on n'apprécie pas beaucoup les chats, ce sont plutôt les oiseaux et les chiens", nous apprend Éric Baratay. Ces chiens de compagnies, que l’on retrouve dans toutes les strates sociales, ont même le privilège de recevoir des honneurs funéraires ! "Sur les tombes, des textes permettaient de voir ce que les gens pensaient de leurs animaux et l’on observe des sentiments assez proches de ceux que l’on connaît actuellement". Le poète Martial a par exemple rédigé une épitaphe en l’honneur de Lydia, un chien de chasse que son maître n’aurait échangé pour rien au monde.

La Bible, ennemie du chien

La diffusion du christianisme bouscule les pratiques existantes. "Dans la Bible, il y a des versets très défavorables aux chiens", décrypte encore Éric Baratay dans "Au Cœur de l'Histoire". Voici ce qu’on peut y lire : "Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge !" (Apocalypse 22,15) ou encore "Comme un chien qui retourne à ce qu'il a vomi, Ainsi est un insensé qui revient à sa folie" (Proverbes 26,11). "En conséquence, on va voir disparaître le modèle du chien de compagnie. La pratique d’inhumer son chien favori paraît scandaleuse", poursuit l’historien.

Les invasions germaniques aux IVe et Ve siècle sont un autre facteur de changement. Alors que les populations romanisées, comme les Gaulois, avaient cessé de consommer du chien, les peuples germains eux, continuent de s’en nourrir.

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Descartes et "l’animal-machine"

Une nouvelle rupture s’opère au XVIIe siècle, dans le monde intellectuel : l’animal est désormais considéré comme une machine. "Descartes en est le théoricien", précise Éric Baratay. La philosophie cartésienne s’appuie sur un dualisme entre l’âme et le corps, ce dernier étant comparable à une horloge aux rouages subtils. Il écrit : "Lorsqu’une montre marque les heures par les moyens des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu’il n’est à un arbre de produire des fruits" (Principes de la philosophie, 1644).

Et si le corps de tout être vivant est une machine, y compris le corps humain, c’est au niveau de la parole et de la raison que l’on peut distinguer l’Homme de l’animal. Pour Descartes, seul l’être humain est doté d’une âme qui fait sa noblesse, tandis que l’animal n’est que machine. Pour Éric Baratay, ce courant de pensée aboutit au XXe siècle à “l’industrialisation des animaux”, dans l’élevage ou l’abattage par exemple.

La SPA a près de deux siècles !

"À l’opposé, il y a une petite minorité qui s'insurge contre la souffrance animale dès le XIXe siècle" souligne Éric Baratay. En 1845, se crée la Société Protectrice des Animaux (SPA), avec pour premier objectif la défense des chevaux maltraités par les cochers parisiens. Cinq ans plus tard, la loi Grammont, première loi nationale de protection animale, est votée. Elle tire son nom du général et député de la Deuxième République Française Jacques Delmas de Grammont, révolté par les mauvais traitements infligés des chevaux mobilisés pour la guerre.

Cette loi, qui ne punit que les actes de cruauté envers les animaux dans la sphère publique, vise cependant davantage à préserver la sensibilité humaine que l’intégrité animale. Ce n’est qu’avec le décret Michelet, 109 ans plus tard, que la condition publique des mauvais traitements est abrogée, élargissant ainsi considérablement la répression de la maltraitance envers les animaux.