Christian Page : "Je ne conseille pas à un mec à la rue d’appeler le 115"

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, l'ancien SDF revient sur son histoire, lorsqu'il a passé près de quatre ans dans les rues de Paris.

La vie de Christian Page bascule le jour où sa femme le quitte. Un an plus tard, c'est un huissier qui vient le chercher pour le déloger de chez lui. Il va passer trois ans et demi dans la rue, jusqu'au moment où il retrouvera un logement. Une histoire qu'il raconte dans un livre, Belleville au coeur, et sur laquelle il revient chez Christophe Hondelatte mardi.

 

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La chute. En 2014, Christian Page a une belle vie. Il est sommelier dans un restaurant chic à la Madeleine, à Paris. Il a un fils, une femme et habite dans un bel appartement de 88 mètres carrés. Un jour, alors qu'il s'apprête à partir au travail, sa femme l’interpelle : "Je te quitte, je ne serai plus là ce soir lorsque tu rentreras". Une annonce aussi brutale qu'inattendue. Sous le choc, Christian Page se rend quand même au travail. Évidemment, ce sera le pire service de sa carrière : il se trompe dans toutes les commandes, renverse des plats. À son retour chez lui, l’appartement est vide. Sa femme est partie avec leur fils. Le début de la dégringolade.

"Je ne conseille pas à un mec à la rue d’appeler le 115". Christian Page, qui ne souhaite pas rentrer dans des détails trop intimes, fait un bond en avant, d'un an, jusqu'au jour où un huissier vient le chercher, en avril 2015. Il est mis à la porte et se retrouve à la rue. Le premier soir, il appelle le 115 (le numéro du samu social). "Une erreur de débutant", selon lui. Selon ses propres mots, il se retrouve en enfer, dans un chenil surpeuplé, avec punaises dans les draps, excréments sur les murs et dans les douches. Il se jure ne plus y retourner. "Je ne conseille pas à un mec à la rue d’appeler le 115. Ils n’ont aucun moyen", explique Christian Page. "J'ai décidé de rester dans la rue, de trouver des bonnes couvertures pour ne pas retourner dans ce genre de foyers", souligne-t-il.

Ce sera donc la rue pour Christian Page, qui se donne des règles pour ne pas définitivement sombrer. D'abord se laver, tous les jours. "C'est essentiel", confie-t-il. Il dort où il peut, notamment près de la Place Sainte-Marthe, dans le 10ème arrondissement de Paris, près de la mission évangélique qui est son port d'attache. C'est là qu'il reçoit tout son courrier, sa paperasse. C'est là aussi qu'il mange. La mission sert 70 petits déjeuners et 100 dîners par jour.

"Ce n'est pas vrai que l'on meurt de faim quand on est SDF". Quitte à déranger, Christian Page ne mâche pas ses mots. "Ce n'est pas vrai que l'on meurt de faim quand on est SDF. On n’a pas faim dans la rue en France", affirme-t-il, soulignant les dizaines d'associations qui distribuent des repas chaque jour dans la capitale française. Le plus grand danger du sans-abri, en réalité, c'est l'homme, raconte-t-il. L'alerte commence le 7 du mois, au lendemain du 6, date à laquelle les SDF reçoivent leur RSA. Le 7 commence "la grande foire aux dépouilleurs."

"Le logement n'a pas tout résolu". Christian Page passera trois hivers dans la rue. Rendu célèbre grâce à son compte Twitter, l'ancien SDF a raconté toutes ses péripéties, avant de pouvoir, un beau jour, annoncer sur le réseau social qu’Emmaüs lui avait trouvé un logement, dans la banlieue nord de Paris. "Le logement n'a pas tout résolu, mais je suis quand même beaucoup plus à l’aise. C’est un début, ce n’est pas un aboutissement", précise-t-il. Grâce à son livre et ses témoignages, Christian Page a permis de mettre une nouvelle lumière sur les difficultés que rencontrent les SDF. "Il faut que les gens prennent conscience qu’il y a plus d’une personne qui meurt dans la rue tous les jours", conclut l'ancien SDF.

>> Retrouvez ci-dessous l'intégrale d'Hondelatte Raconte, "Trois hivers dans la rue" avec Christian Page :