Charlie Hebdo vs Mediapart : retour sur une polémique

La une de Charlie hebdo du 8 novembre dernier a déclenché une vive hostilité entre Riss et Edwy Plenel.
La une de Charlie hebdo du 8 novembre dernier a déclenché une vive hostilité entre Riss et Edwy Plenel. © Montage AFP et capture d'écran Charlie Hebdo
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L’hebdomadaire satirique accuse le fondateur de "Mediapart" de "condamner à mort une deuxième fois Charlie Hebdo". 

La polémique dure depuis plus d’une semaine et ne semble pas se calmer. Le 1er novembre dernier, Charlie Hebdo affiche à sa Une Tariq Ramadan (à voir ici), visé par deux plaintes pour viol et d’agressions sexuelles. Mais rien ne laisse encore présager du conflit qui va naître entre les deux parutions. Une semaine plus tard, l’hebdomadaire satirique se "paye" Edwy Plenel. 

  • La Une de "Charlie Hebdo" sur Edwy Plenel

Le 8 novembre dernier, la rédaction de Charlie pastiche le fondateur du site d’investigation Mediapart. Un dessin signé Coco met en scène Edwy Plenel et sa célèbre moustache qui lui cache la bouche, puis les oreilles et les yeux. Une caricature accompagnée d’un titre accusateur : "Affaire Ramadan, Mediapart révèle : 'On ne savait rien'".

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Derrière cette Une, Charlie Hebdo accuse Edwy Plenel et Mediapart de couvrir l’islamologue Tariq Ramadan. Taxé régulièrement d’islamo-gauchisme par ses détracteurs, l’ancien directeur de la rédaction du Monde a participé à plusieurs conférences communes avec le théologien, notamment en 2014 et 2015. Début 2015, après les attentats qui avaient touché la rédaction de Charlie Hebdo, Edwy Plenel avait confié au Petit Journal que Tariq Ramadan était un "intellectuel responsable".

  • La réponse sans mesure d’Edwy Plenel

Le 8 novembre dernier, Edwy Plenel dénonce "l’affiche rouge" de Charlie Hebdo. Une référence immédiate à une affiche de propagande du régime de Vichy pour retrouver les résistants du "groupe Manouchian". Dans la foulée, la Société des journalistes (SDJ) de Mediapart renchérit. "Tout doit avoir le droit de se dire, de s’écrire et de se représenter, dans le respect de la dignité des personnes concernées. Cette liberté nous engage, journalistes et caricaturistes. Elle ne nous donne pas licence pour désinformer et calomnier", peut-on lire dans son communiqué.

Une semaine après cette Une de Charlie, Fabrice Arfi, numéro 2 de la rédaction de Mediapart, prend quelque peu ses distances avec les mots d’Edwy Plenel. "Une surenchère inutile", explique-t-il au Monde ce mercredi.

  • Nicolino vs Arfi, le match dans le match

Les deux rédactions ne vont pas vraiment calmer le jeu. Bien au contraire. Sur la page Facebook de Charlie Hebdo, Fabrice Nicolino, journaliste de la rédaction qui a survécu aux attentats de 2015, prend la plume. Dans un post intitulé "A-t-on le droit d’être un salaud ?", il explique avoir eu envie de "dégueuler" face à la réponse d’Edwy Plenel. "Il aime à citer Romain Rolland, cette vieille canaille stalinienne, mais on ne pensait pas le voir s'emparer de l'Affiche rouge des FTP-MOI de 1944,  jeunes résistants étrangers, juifs pour la plupart, exécutés par les nazis", écrit-il.

Dimanche dernier, sur le plateau de C Politique, sur France 5, Fabrice Nicolino débat avec Fabrice Arfi. "Ce dessin [la une de Charlie, ndlr] sous-entend une complicité de Mediapart avec Tariq Ramadan, c'est faux", assure le journaliste d’investigation. "Vous trouvez normal que monsieur Plenel nous compare à une horde de nazis", lui répond Fabrice Nicolino.

  • La contre-attaque de Riss dans son édito

Mais ce n’est pas fini. Mercredi 15 novembre, soit une semaine après la Une de la discorde, Riss, le directeur de la rédaction de Charlie Hebdocondamne les propos d’Edwy Plenel. Ce dernier avait assuré que "la Une de Charlie Hebdo fait partie d’une campagne générale de guerre aux musulmans". "Cette phrase, nous ne la pardonnerons jamais", assure Riss dans son édito. "En la prononçant, Plenel condamne à mort une deuxième fois Charlie Hebdo", écrit-il. Selon Riss, ce propos, "qui désigne Charlie Hebdo comme un agresseur supposé des musulmans, adoube ceux qui demain voudront finir le travail des frères Kouachi", qui avaient abattu le 7 janvier 2015 huit collaborateurs de l'hebdomadaire dont cinq dessinateurs, un invité du journal, un agent d'entretien et deux policiers.

Edwy Plenel répond quelques heures plus tard sur Twitter. Pour lui, la phrase en question "n'a jamais existé". Il dénonce une "pure manipulation" de la part de l'hebdo.

  • Manuel Valls défend "Charlie Hebdo"

Invité de BFMTV ce mercredi, Manuel Valls, qui a aussi été visé par Edwy Plenel, est interrogé sur l'édito de Riss. Pour l'ancien Premier ministre, les mots du directeur de Mediapart sont "un appel au meurtre". "Ce n'est pas une petite polémique. Edwy Plenel n'est pas n'importe qui", enchaîne-t-il.