Chantage au roi du Maroc : la Cour de cassation déboute des journalistes en validant des enregistrements clés

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La plus haute juridiction française avait été saisie par les journalistes Catherine Graciet et Éric Laurent. Image d'illustration. © THOMAS SAMSON / AFP
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avec AFP , modifié à
Avec cette décision de la Cour de cassation, le roi du Maroc s'offre une victoire d'étape dans cette affaire.

La Cour de cassation a validé vendredi deux enregistrements clandestins à l'origine de la mise en examen de deux journalistes français soupçonnés d'avoir voulu faire chanter le roi du Maroc, qui s'offre une victoire d'étape dans cette affaire.

"Loyauté de la preuve". La plus haute juridiction française, saisie par les journalistes Catherine Graciet et Éric Laurent, a estimé que ces deux enregistrements avaient été réalisés par un émissaire de Rabat sans "véritable implication" des enquêteurs, permettant de conclure à la "loyauté de la preuve". Elle a donc débouté les journalistes. "C'est une très grande victoire, il n'y a désormais plus d'obstacle à la poursuite puis à la condamnation de ceux qui ont voulu faire chanter le roi du Maroc", a réagi Patrice Spinosi, l'un des avocats du royaume.

Les avocats des journalistes reconnaissent un accord financier. Catherine Graciet, 42 ans, et Éric Laurent, 69 ans, sont mis en examen pour chantage et extorsion de fonds. Ils sont soupçonnés d'avoir voulu soutirer trois millions d'euros au roi du Maroc en 2015, en échange de l'abandon d'un livre censé contenir des révélations gênantes pour Rabat. Les deux journalistes avaient été interpellés le 27 août 2015, en possession de 80.000 euros en liquide, au sortir d'une réunion avec un émissaire du Maroc enregistrée à leur insu par ce dernier. Éric Laurent avait déjà été enregistré lors de deux rencontres précédentes avec l'émissaire, l'avocat Hicham Naciri. Les avocats des deux journalistes, qui reconnaissent un accord financier mais réfutent tout chantage, demandaient l'annulation des deux derniers enregistrements au motif qu'ils sont "illégaux" car réalisés par l'émissaire marocain alors même qu'une enquête était déjà ouverte.

Le dossier, de retour dans les mains d'un juge d'instruction. Saisie une première fois, la Cour de cassation avait estimé que ces enregistrements avaient été menés avec la "participation indirecte" des enquêteurs français "sans le consentement des intéressés", ce qui portait "atteinte aux principes du procès équitable et de la loyauté des preuves". Cette fois réunie en assemblée plénière, c'est-à-dire devant toutes ses chambres pour une décision qui ne pourra plus être contestée, la Cour de cassation a estimé que le concept de " 'participation', même indirecte", supposait "l'accomplissement, par les enquêteurs d'un acte positif, si modeste soit-il" et que le rôle "passif" des policiers" ne pouvait "suffire à caractériser un acte constitutif d'une véritable implication". Le dossier va désormais retourner entre les mains des juges d'instruction, qui pourront soit renvoyer l'affaire devant un tribunal, soit prononcer un non-lieu.