Entre 1962 et 1984, 2.000 jeunes réunionnais ont été arrachés à leur famille et envoyés en métropole pour repeupler les campagnes, on les surnomme les "Enfants de la Creuse".  1:39
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Charles Luylier (depuis Saint-Denis de La Réunion), édité par Ugo Pascolo
La France vient de reconnaître sa responsabilité morale dans les maltraitances subit par les "Enfants de la Creuse", ces jeunes Réunionnais envoyés de force en métropole entre 1962 et 1984. En guise de réparation, l'État a financé un voyage vers La Réunion pour 70 d'entre eux. Des retrouvailles forcément très fortes en émotion.
REPORTAGE

"Je ne peux pas leur pardonner." Gorge nouée et voix tremblante, Marlène débarque à l'aéroport de Saint-Denis de La Réunion pour y retrouver sa sœur de 60 ans qu'elle n'a pas revu depuis des dizaines d'années. Comme 2.000 autres Réunionnais, Marlène fait partie des "Enfants de la Creuse", ces jeunes qui ont été arrachés à leur famille et envoyés en métropole entre 1962 et 1984 pour repeupler les campagnes. Âgée alors de 15 ans, Marlène passe en quelques jours seulement des plages de La Réunion à un couvent à Guéret, dans la Creuse, en plein mois de janvier.

"On était les bonnes à tout faire"

Mais comme pour d'autres jeunes, l'expérience tourne au vinaigre. "On était les bonnes à tout faire des religieuses", témoigne-t-elle au micro d'Europe 1. Jardinage, lavage du linge, repassage... "c'était de l'esclavage", affirme Marlène, très émue quand elle voit sa sœur Maryline, bouquet de fleurs à la main. Malgré la joie des retrouvailles, Marlène reste amère : "on ne rattrapera jamais le temps perdu, c'est malheureux qu'on nous ait fait subir ça. Je ne peux pas leur pardonner, tu vois bien l'état dans lequel je suis." Alors que les mots sont étranglés par l'émotion, Marlène explique à sa sœur qu'elles ont été séparées sur "[leur] île". Et si Maryline à désormais 60 ans, cette séparation s'est déroulée alors qu'elle était trop petite pour s'en souvenir. 

"Il y a également eu des viols"

Et le calvaire de Marlène est loin d'être le pire, à en croire Valérie Hantant, porte-parole des "Enfants de la Creuse". "Il y a également eu des viols sur des filles et des garçons", indique-t-elle en évoquant des "parcours inhumains, nous ne réparerons jamais ce qui a été brisé". 

Si Marlène peut aujourd'hui retrouver sa sœur, c'est parce que la France a reconnu sa responsabilité morale dans la maltraitance subit par certains de ces "Enfants de la Creuse". En guise de réparation, l'État a donc financé les billets d'avion de 70 Réunionnais pour leur permettre de retrouver leur famille biologique. Et si la plaie de ces "Enfants de la Creuse" ne pourra sans doute jamais cicatriser, ils vont profiter de leur retour sur leur terre natale pour demander à l'État une prise en charge totale d'un voyage similaire au moins une fois par an.