"Ce que je demande, c’est la transparence" : où Carlos Ghosn pourrait-il être jugé ?

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Interrogé par Europe 1 à Beyrouth, où il réside depuis sa fuite du Japon, l'ancien PDG de Renault-Nissan s'est exprimé sur son avenir, y compris judiciaire, assurant être prêt à se soumettre à la justice de tout pays "où les droits de la défense sont assurés". Selon lui, ce n'est pas le cas au Japon. 
INTERVIEW

Depuis sa fuite rocambolesque du Japon, où il est soupçonné de malversations financières, Carlos Ghosn affirme vouloir "laver son honneur". Après son offensive médiatique, l'ex-PDG de Renault-Nissan devrait donc se rendre devant les tribunaux, afin d'être blanchi par la justice. Mais quelle justice ? Celle de la France, où il est visé par une enquête préliminaire, ou celle du Liban, où le parquet général a demandé à récupérer le dossier japonais ? Europe 1 lui a posé la question à l'occasion d'une interview à Beyrouth. 

Au Japon, "aucun moyen que j'aie un jugement équilibré"

Une chose est sûre : Carlos Ghosn n'entend à aucune condition rentrer au Japon, où il a été placé en détention provisoire en novembre 2019 puis libéré sous caution. "J'aurais bien souhaité que ceci soit tranché" dans ce pays, assure-t-il pourtant auprès d'Europe 1. "Je pense que ça aurait été la façon la plus nette de traiter cette affaire. Mais malheureusement, je suis arrivé à la conclusion, au bout de quatorze mois de ce que je qualifie de persécution, qu'il n'y avait aucun moyen que j'aie un jugement équilibré, dans lequel les droits de la défense seraient présents." 

Dénonçant une "collusion" entre la justice japonaise et des dirigeants de Nissan, visant selon lui à l'écarter, l'ancien chef d'entreprise rappelle la grande sévérité du système judiciaire japonais. "Ce n'est pas que ma conviction, c’était aussi la conviction de mes avocats" japonais, indique-t-il. "Ils ont fait une déclaration dans laquelle ils ont dit, bien qu’ils aient des doutes sur l’équilibre du jugement, qu’ils pensaient que j’allais être acquitté puisque j’avais un dossier très solide."

"Aucun doute" sur la justice française, malgré un audit "tronqué

Et si l'ex-PDG était jugé en France, dont il est ressortissant - Carlos Ghosn a la triple nationalité libano-brésilo-française ? Il y fait pour l'instant l'objet d'une enquête préliminaire portant sur les conditions financières dans lesquelles a été organisé l'anniversaire de sa femme et leur mariage au château de Versailles, en octobre 2016. "Je suis particulièrement serein quant à ces accusations", assure l'homme d'affaires, ajoutant n'avoir "aucun doute" sur la justice française. 

Sur ce sujet, Carlos Ghosn émet cependant une réserve, évoquant un audit interne effectué en 2019 au sein de RNVB, une filiale de Renault et Nissan basée aux Pays-Bas, qui a révélé des dépenses inexpliquées à hauteur de onze millions d'euros et auxquelles l'enquête préliminaire française a depuis été étendue. "L'audit qui a été fait est un audit tronqué, puisqu'il n'y a pas eu de débat contradictoire", estime le chef d'entreprise. "Dans n'importe quel audit, on va voir la personne et on lui dit : 'voilà les données que l'on a, veuillez donner des explications'. (...) Or dans ce cas-là, il n'y avait pas de transparence." 

Un procès au Liban, ou... au Brésil ? 

Enfin, interrogé sur l'hypothèse d'un procès devant la justice d'un pays où il ne fait pas l'objet de poursuites, comme au Brésil ou au Liban, Carlos Ghosn ne ferme pas la porte. "N'importe laquelle", assure-t-il. "La justice française, la justice libanaise, la justice brésilienne, n’importe quel pays dans lequel les droits de la défense sont assurés." Et de rappeler, par opposition, le déroulé de ses auditions au Japon : "J’ai subi des interrogatoires avec les procureurs, sans avocat, à n’importe quelle heure. Ils vous convoquent, vous interrogent jusqu’à huit heures, puis ils n’ont cessé de me demander de faire une confession, pour (...) arrêter tout ça". Ça rappelle les films que j’avais vus, très désagréables, sur les régimes qui n’avaient rien de démocratiques."

Le Liban, qui n'a pas d'accord d'extradition avec le Japon, a reçu une demande d'arrestation d'Interpol concernant Carlos Ghosn. La justice libanaise lui a interdit de quitter le territoire jusqu'à réception du dossier nippon. En fonction du contenu dudit dossier, il pourrait théoriquement y être jugé, dans un délai pour l'instant inconnu. 

L'intégralité de l'interview en vidéo ici :