Catherine a découvert à l'âge de 40 ans qu'elle avait été adoptée : "J'ai l'impression d'être coupée en deux"

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Romain David , modifié à
En 2005, Catherine apprend que ses parents l'ont adoptée vers l'âge de deux ans. Elle raconte à Olivier Delacroix, sur Europe 1, le poids de ce secret de famille, et ses conséquences.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Catherine a 54 ans et vit dans la région niçoise. En 2005, cette mère de famille a découvert, quelque mois après la mort de son père et de manière fortuite, qu'elle avait été adoptée. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, elle explique en quoi cette révélation, qui a mis fin à des années de mensonges, a jeté une lumière nouvelle sur son enfance, mais ouvert également de nouvelles interrogations.

"Ça m'est tombé dessus de façon très administrative, lors du paraphage de la déclaration de succession de ma mère adoptive. Comme je travaillais dans une banque, j'avais l'habitude de tout lire. Donc j'ai tout relu : l'état civil de mes parents... et puis d'un seul coup, je suis arrivée à mon nom. Et là, il était marqué : 'adoptée en date du…'

[…]

On se détache de son corps, on se dit : 'mais ça n'est pas moi, c'est comme dans les films à la télé'. Je me suis mise à pleurer. Il n'y a pas eu de son qui est sorti de ma bouche. Il y avait ma mère, mon mari et mes enfants autour de la table. C'était juste avant Noël, en 2005. Mon mari a pensé que ma mère avait encore fait quelque chose. Elle avait été très 'Tatie Danielle' [en référence au film d’Étienne Chatiliez sur une vieille femme tyrannique, ndlr] depuis le décès de son mari. Il pensait qu'elle m'avait encore fait une méchanceté. J'ai juste mis le doigt sur le papier en disant : voilà !

[…]

La réaction de ma mère a été : 'de toute façon on t'a sortie de l'Assistance publique, on ne sait pas comment tu aurais tourné si on ne t'avait pas sortie de là'. Ce qui est faux ! Je ne suis pas allée à l'Assistance publique, j'étais dans ma famille biologique.

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Aussi violente soit-elle, cette découverte a mis un terme à des années de doutes. Depuis l'enfance, Catherine suspectait quelque chose…

Mes parents sont de la génération 1916-1918, ils ont eu un enfant peu de temps après la Libération, en 1949, et cet enfant, malheureusement, est mort à l'âge de 16 ans. Ils se sont retrouvés, à un peu plus de 50 ans, avec leur enfant unique décédé. Mon père avait tellement peur que ma mère se foute en l'air qu'il a essayé de trouver une solution. La solution a été de faire une demande d'agrément, mais comme ils étaient âgés, on leur a proposé un enfant de dix ans.

Mon père ne voulait pas que ça se sache, que ça se voit. Il fallait pouvoir modeler l'enfant comme on voulait. Il a fait jouer ses connaissances, l'argent et le pouvoir pour arriver à avoir un enfant en bas âge. J'avais entre deux ans et demi et trois ans quand je suis arrivée dans leur foyer. Ça leur a coûté une certaine somme. C'est pour ça que pendant toute mon enfance j'ai entendu : 'avec tout ce que l'on a fait pour toi'. C'était dit d'une façon… c'était lourd. J'ai compris après.

[…]

" Il y avait plein de choses que je ne sentais pas, que je ne comprenais pas, plein de choses que l'on m'avait racontées et qui ne tenaient pas la route "

C'est un gros soulagement de se dire [que l'on n’est] pas folle. Il y avait plein de choses que je ne sentais pas, que je ne comprenais pas, plein de choses que l'on m'avait racontées et qui ne tenaient pas la route, qui tiennent la route dans les oreilles d'un enfant, moins quand on est adolescente, et encore moins quand on est adulte et que l'on devient soi-même maman. Il y avait beaucoup d'incohérences. Mais je me heurtais à un mur : 'non !', 'rien !'

[…]

J'ai trouvé que c'était un beau gâchis. Ils se sont gâchés leur vie en vivant dans le secret. […] Ils ont déménagé après l'adoption plénière. […] On a habité à Paris tant que le jugement n'avait pas eu lieu, jusqu'en 1978. Ensuite, on est parti dans le midi. Et ils ont tout verrouillé. […]  Tous les gens que je voyais qui connaissaient mes parents, je ne pouvais les voir qu'en leur présence. Toute ma famille connaissait le secret, les voisins, la femme de ménage, le jardinier […]. C’est aberrant. Tout le monde, sauf moi !

 

Après avoir entrepris des démarches, Catherine a fini par mettre la main sur le nom de son père et de sa mère biologique. Elle découvre qu'ils formaient un couple violent, duquel elle a été soustraite par l'entremise de son grand-père paternel.

J'ai grandi avec une histoire […], et puis d'un seul coup, vous vous apercevez que cette histoire-là n'est pas la vôtre. […] Quand j'ai retrouvé mon père biologique, il a eu à cœur, ardemment, de m'amener des photos ; des photos de moi avant trois ans que je n'avais pas, et aussi de mes grands-parents. Il m'a raconté la famille, a essayé de me dire : 'tu fais partie de cette famille-là, pas de l'autre'. Mais je n'y arrivais pas. J'ai l'impression d'être coupée en deux.

Je suis un peu Catherine - le nom que m'ont donné mes parents adoptifs -, et un peu Magali, le nom que m'ont donné mes parents biologiques, et par lequel mon père m'a appelée quand on s'est retrouvé. Je suis moitié Catherine, moitié Magali.

[…]

Le peu de fois où j'ai vu ma mère biologique, elle m'a dit : 'je n'ai pas été tendre avec toi'. J'ai été opérée plusieurs fois du nez. J'ai eu de gros soucis à ce niveau-là, et j'ai appris que c'était ma mère biologique et non un accident de poussette comme on me l'avait raconté. C'est mon grand-père paternel qui a voulu me sortir de cette situation, et en fin de compte il a bien fait. Le problème, c’est qu'on n'y a pas mis les formes. Mes parents adoptifs ont fait ce qu'ils pouvaient, comme ils pouvaient à une époque où l'on n'en parlait pas comme maintenant. Mon père a fait ça pour sauver sa femme […]. Mais à aucun moment ils n'ont pensé à moi, ils n'ont pas eu le recul de se dire : ça n'est pas un chien, c'est un enfant."

>> Retrouvez l'intégralité du témoignage de Catherine