La France est-elle vraiment en manque de carburant ?

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Sébastien Krebs et C.G. , modifié à
Depuis une semaine, la CGT et le gouvernement se livrent à une guerre de communication autour de la crise de l'essence.

Cela fait déjà une semaine que la CGT a entrepris le blocage des huit raffineries françaises et des dépôts de carburants. Conséquence : des automobilistes qui craignent une pénurie et se ruent sur des stations-services qui peinent à être réapprovisionnées. Mais la France est-elle vraiment en manque de carburants ? Oui, clame la CGT. Non, rassure le gouvernement. Europe 1 a tenté de démêler le vrai du faux.

Un tiers des stations françaises impactées. Jeudi encore, 20% des 11.500 stations-service françaises subissaient des ruptures partielles ou totales de leur stock, selon l'Union française des industries pétrolières (Ufip). Dès le début du mouvement, l'Ouest et le Nord de la France ont été particulièrement concernés. Depuis lundi, la France a même été obligée de puiser dans ses réserves stratégiques. Les automobilistes eux ont parfois dû tirer sur leurs réserves pour continuer de rouler. Mondial Assistance révèle avoir effectué cette semaine cinq fois plus de dépannage pour panne sèche que d'habitude.

>> Carburant : la carte de France des stations où il reste du carburant, c’est par ici 

Les difficultés d'approvisionnement commencent néanmoins à se résorber. Selon nos constatations, sur une trentaine de stations signalées comme vides par les automobilistes à Paris, dans l'Ouest et dans le Nord, seules cinq connaissent encore vendredi des ruptures de stock. Toutes les autres ont été livrées entre mercredi soir et jeudi soir.

Ruée vers les pompes. Pour autant, la France n'a jamais manqué d'essence. Les livraisons n'arrivaient juste plus à suivre et la situation s'est auto-alimentée, aggravée par notre peur de manquer. Les automobilistes se sont rués vers les pompes, au cas où... Résultat : cette semaine, on a acheté trois fois plus de carburant qu'une semaine normal.

Et si nous avons acheté plus d'essence, nous avons paradoxalement moins roulé. En Île-de-France par exemple, on comptait à peine 150 km de bouchons jeudi, au pic de 18 heures, contre deux fois plus habituellement et alors qu'une partie des transports en commun étaient en grève.

20 à 30% de clients en moins. Ces blocages ont aussi eu des conséquences sur la vie économique. Puisque, peut-être par peur de tomber en panne d'essence, les consommateurs ont limité leurs déplacements dans les commerces. Dans les rues du centre-ville de Rouen, au coeur d'une région particulièrement touchée par les blocages, les commerçants ont noté une baisse significative de fréquentation "de 10 à 20%", selon le président de l'association des commerçants. "Le nombre de badauds en ville diminue très fortement. Nous on a des clients qui viennent de 20 ou 30 kilomètres... On se dit qu'on va limiter nos déplacements aux achats indispensables et les autres on les fera plus tard", analyse-t-il. "Mais il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps car les entreprises les plus fragiles pourraient se trouver en difficulté", prévient-il.

Dans l'industrie, les entreprises qui dépendent très fortement des livraisons de pétrole, comme celles qui fabriquent du plastique à partir des dérivés fournis par les raffineries, sont elles aussi en difficulté. Plusieurs usines sont aujourd'hui à l'arrêt car elles ne reçoivent plus leurs matières premières. Mais il y a aussi, plus globalement, toutes les entreprises installées dans les zones impactées, comme sur le port du Havre. Entre les blocages et les problèmes de carburant, le patron d'une plateforme logistique assure ainsi à Europe 1 qu'il en est à sa deuxième semaine sans activité. Pour lui, cela représente quasiment 1 million d'euros de chiffres d'affaires en moins.