Selon un chiffre de 2016, 4,5 % des femmes de 18 à 79 ans ne souhaitent pas ou n’ont jamais souhaité être mère. 2:28
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Virginie Riva, édité par Antoine Terrel , modifié à
Dans un livre publié jeudi, "J'ai décidé de ne pas être mère", Chloé Chaudet raconte son refus d'être mère et s'intéresse aux différentes raisons poussant de plus en plus de femmes à assumer ne pas vouloir d'enfant. Mais rappelle que les injonctions à la maternité sont encore fortes en France. 

Déconstruction de l’instinct maternel, mais aussi de l’horloge biologique. Certaines femmes ont décidé de s’affranchir d’une forme de pression sociale : elles ne veulent pas d’enfant. En France, selon un chiffre de l’Ined datant de 2016, 4,5 % des femmes de 18 à 79 ans ne souhaitent pas ou n’ont jamais souhaité être mères, ce qui représente environ un million de femmes, un chiffre qui est loin d’être anecdotique. Et petit à petit, le tabou commence à être levé. 

Dans J'ai décidé de ne pas être mère, un livre publié jeudi, à la fois très intime et politique, Chloé Chaudet, 35 ans, maitresse de conférence en littérature comparée à l’Université Clermont-Auvergne, éclaire sur les raisons de son non-désir de maternité. "Pour que mon renoncement à la maternité puisse devenir un jour une adhésion totale, en mon for intérieur et aux yeux d’autrui, il reste à banaliser le non-désir d’enfant", écrit l’auteure. Mais cette dernière ne s’inscrit pas pour autant dans des mouvements militants comme No Kidding ! ou Childfree.

Ce choix est d’autant moins bien compris en France, explique-t-elle encore, où il est possible de faire des enfants tout en continuant à travailler, grâce à la politique de soutien aux familles, d’aides sociales, de réseaux de crèches. 

De fortes injonctions à la parentalité

Ainsi, les femmes qui ne souhaitent pas avoir d’enfant doivent constamment se justifier, avec beaucoup de questions venant de femmes principalement, raconte Chloé Chaudet, qui émaille son livre de réflexions subies, dans son cercle amical ou plus lointain. "Est-ce un choix personnel ?", lui a-t-on déjà demandé. D'autres phrases reviennent comme : "N’as-tu pas peur de le regretter ?" "Et si tu finis seule ?". 

Ces injonctions à la parentalité sont "écrasantes", explique-t-elle à Europe 1, et provoquent des doutes, des tiraillements. "Je suis sûre de mon choix, mais je suis sûre que ces doutes ne pourront être totalement tus tant que le choix de ne pas être mère restera si mal accepté", dit-elle. 

Des raisons multiples 

Toutes les études le prouvent : c’est avant tout un désir de liberté qui explique le non-désir de maternité. Liberté pour vivre sa vie professionnelle, son couple, envie de pouvoir improviser au quotidien. Un choix qui s’explique aussi par le parcours de vie, et qui peut basculer à tout moment. La liste des raisons est en réalité longue et très variable selon les femmes : il y a la peur de changer de corps, la fatigue liée à la venue d’un enfant, le manque de temps pour soi, le coût financier.

A cette liste peuvent s’ajouter des facteurs philosophiques : pour certaines, l’angoisse environnementale, avec la peur de polluer encore davantage, de participer à la destruction de la planète à cause de la surpopulation, ou bien une inquiétude plus sourde face au devenir économique ou politique de la société. D’autres y voient un engagement féministe alors qu’historiquement les féministes ont plutôt lutté pour le droit à l’avortement. Aujourd’hui, ces femmes veulent être libres d‘affirmer qu’elles ne veulent pas d’enfant et ne pas subir de pression sociale. Entre évidemment dans la décision le rapport à ses parents et à son enfance : on peut avoir de bonnes raisons de ne pas vouloir reproduire des souffrances subies.

Le regret d’être mère 

Chloé Chaudet cite notamment dans son ouvrage le travail de la sociologue israélienne Orna Donath, qui dans sa thèse de doctorat, a interrogé vingt-trois femmes âgées de 26 à 73 ans regrettant d’être mères, tout en étant tiraillées par leur amour pour leur enfant.

"Leurs confidences révèlent surtout une douloureuse déception face à la promesse sociale d’un accomplissement féminin qui irait de pair avec la parentalité. Qu’elles jugent les inconvénients de la maternité supérieurs à ses avantages ou qu’elles associent l’état de mère à 'une expérience où elles se sentent incomplètes voire comme traumatisées', ces femmes, à l’image de beaucoup d’autres, témoignent de 'l’expérience intime de perdre la vie en donnant la vie'", écrit Chloé Chaudet au sujet de ce travail de recherche.