Des structures, encore rares, accueillent les hommes auteurs de violences conjugales. Photo d'illustration. 3:00
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Arthur Helmbacher , modifié à
Rares, ces établissements hébergent des hommes auteurs de violences conjugales, en leur procurant un accompagnement psychologique et social sous haute surveillance.
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Une femme battue qui fuit, obligée de quitter la maison, parfois avec les enfants. Dans l’immense majorité des cas, c'est comme ça que cela se passe aujourd'hui en France pour les femmes victimes de leur conjoint. Mais parfois, c'est l'inverse qui se produit. Europe 1 a pu partir en reportage à Besançon, dans l'une de ces (trop) rares structures qui accueillent non pas les victimes, mais les auteurs de violences conjugales.

"J'espère pouvoir savoir pourquoi j'en suis arrivé là"

Un petit immeuble qui propose des studios et des deux-pièces. De quoi loger 15 personnes. Des hommes hébergés pour permettre aux femmes et aux enfants de rester à la maison, à l'instar d'Alexandre. Il y a trois mois, il a frappé sa femme. "Elle m'avait mis dehors parce que j'avais pas payé le loyer. Je n'ai pas apprécié, j'ai poussé la porte, je me suis un peu énervé et je lui ai mis un coup de poing. Il y a eu les paroles aussi", confie-t-il au micro d'Europe 1. "Je regrette, c'est vrai que j'ai été un peu trop loin. Aujourd'hui, je fais un travail et j'ai déballé une grosse partie de ma vie. Par exemple, les violences conjugales entre ma maman et mon beau-papa lorsque j'étais petit. On se pose des questions, savoir si je ne reproduis pas ce que j'ai vu avant. J'espère pouvoir savoir pourquoi j'en suis arrivé là."

Il n'existe en France qu'une poignée de lieux comme cette structure, financée par l'État. Les hommes violents y arrivent contraints par la décision d'un magistrat, soit après une condamnation, soit en attendant leur jugement. Et l'encadrement est strict. "À 19 heures le soir, ils doivent obligatoirement être présents", détaille Sébastien Girin, du dispositif Altérité. "En cas de manquement, on prévient immédiatement le parquet ou le juge d'application des peines."

"Plusieurs avaient changé de regard"

Une psychologue et une assistante sociale, Anouchka Vullo et Nadine Lacaille, travaillent aussi ici. Procèdent à des entretiens individuels, mais organisent aussi des groupes de parole entre résidents. "Un jeune de 19 ans a fait des réflexions machistes", se souvient l'assistante sociale. "Et cela a étonné tout le groupe, qui s'est demandé comment on pouvait penser ça des femmes au 21e siècle." "Ce qui est bien, c'est que cette image-là revient vers eux", explique la psychologue. "Ils se disent que finalement, ils ont fait la même chose. Et donc que les réflexions qu'ils ont faites à ce jeune, ils pouvaient les prendre aussi pour eux."

Le parquet de Besançon, et notamment le procureur Etienne Manteau, suit de près tout ce qui se passe dans la structure. "Quand on les revoit à l'audience trois ou quatre mois plus tard, ils disent combien ils ont été marqués par le passage dans cette structure. J'en ai vu plusieurs qui manifestement avaient vraiment changé de regard", se félicite le magistrat. Aujourd'hui, il "veut croire que ce sont des hommes qu'on ne reverra pas devant un tribunal correctionnel pour des violences conjugales". 

En un peu moins d’un an, ici, 33 hommes ont été pris en charge. Les retours seraient "très bon" pour une vingtaine d'entre eux. En revanche, huit n'ont pas respecté leurs engagements et sont repartis en détention.