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Le nombre de signalements pour atteintes à la laïcité à l’école a augmenté de 150% en un an. Une hausse marquée par le port de tenues et de signes religieux non conformes à la loi de 2004. Invité d'Europe 1 Matin, Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie au collège à Saint-Denis et directeur de l'Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean Jaurès, revient sur le sujet.

4.710 signalements pour atteintes à la laïcité à l'école ont été recensés en 2022, soit une hausse de 150% en un an, selon une note du ministère de l'Éducation nationale qu'Europe 1 s'est procurée. L'une des raisons de cette augmentation est le port de tenues et de signes religieux non conformes à la loi de 2004, relative au respect du principe de laïcité dans les écoles. Un phénomène observé par Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie au collège à Saint-Denis et directeur de l'Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean Jaurès, invité d'Europe 1 Matin jeudi.

"À partir du printemps 2022, on a vu le port de signes ostensibles religieux type abaya explosé", a indiqué Iannis Roder qui se dit ne pas être étonné par ces chiffres. "Il y a une vraie poussée dans les établissements scolaires, assez localisée d'ailleurs en général, de revendications identitaires et religieuses." Selon une note des services de l'État, ces faits sont en constante augmentation depuis le premier trimestre de l'année scolaire 2021-2022 (347 signalements entre septembre et novembre 2021), jusqu’à représenter au dernier trimestre 2023 (avril-juillet) 49 % des signalements, soit 923 faits recensés.

"Il y a des gens qui poussent les jeunes à défier l'institution"

Une mode constituant à défier l'institution ? D'après le professeur, il ne faut pas être naïf. "Les modes, ça a toujours existé et la volonté d'être perçu comme tel ou tel a toujours existé, mais néanmoins derrière cela, il y a une grande offensive, sur les réseaux sociaux, d'entrepreneurs identitaires et religieux, on va les appeler comme ça, qui poussent les jeunes à défier l'institution scolaire pour finalement fracasser cette loi de 2004 qui leur pose problème", a-t-il affirmé évoquant une note du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.

"Il y a des gens qui poussent les jeunes à afficher leur appartenance religieuse, à porter ces vêtements, à défier l'institution. Il y avait même bien sur TikTok des défis qui étaient lancés. Je me souviens de ces deux jeunes filles qui s'étaient pris en photo dans un établissement en Bretagne, couvertes d'une abaya et d'un voile à l'intérieur de l'établissement, et elles disaient 'on a niqué le CPE'. Ce post TikTok avait fait en quelques heures 450.000 vues", raconte l'auteur de La jeunesse française, l’école et la République aux éditions de l'Observatoire.

"L'école n'est pas le lieu où on affiche une appartenance"

D'après Iannis Roder, le modèle républicain est défié et "l'école laïque qui vise à ne pas afficher, depuis la loi du 15 mars 2004, de signes ostensibles religieux qui amènerait à être identifiés comme appartenant à une communauté religieuse, est défiée". En 2022-2023, la majorité des académies ont ainsi procédé à des signalements sur le port d'abayas pour les jeunes filles, ou de kamis pour les garçons.

"L'école n'est pas le lieu où on affiche une appartenance, où on affiche une volonté de se distinguer des autres, de se séparer des autres. C'est un lieu où on construit la future nation, les futurs citoyens, dans un esprit d'égalité", a-t-il conclu.