L'assaillant avait fait l'objet d'une première enquête pour recevoir son habilitation "secret défense". (Image d'illustration) 3:30
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Guillaume Biet et Alain Acco, édité par Romain David , modifié à
Au micro d'Europe 1, Jean-Paul Mégret, le secrétaire général adjoint du syndicat indépendant des commissaires, a tenu à rappeler que des lois protègent l'intimité des fonctionnaires, mêmes ceux employés dans des services ultra-sensibles.
ON DÉCRYPTE

Si la piste terroriste se confirme, le choc sera d'autant plus grand pour les policiers après l'attaque au couteau qui a fait quatre morts jeudi, au sein de la Préfecture de police de Paris. Vendredi soir le parquet national antiterroriste s'est saisi de l'enquête sur l’assaillant, un informaticien de la direction du renseignement parisien (DRPP), employé depuis 2003. L’hypothèse de l’acte terroriste invite désormais à se poser une question : comment la potentielle radicalisation de cet agent administratif, qui se serait converti à l’islam il y a 18 mois, aurait-elle pu passer inaperçue au sein de l’un des services les plus sensibles des forces de l’ordre ?

"La notion d’échec… je la relativiserais. Nous ne sommes pas dans un État totalitaire où l'on scanne en permanence la vie des gens", a réagi au micro d’Europe 1 Jean-Paul Mégret, le secrétaire général adjoint du syndicat indépendant des commissaires, qui est lui-même en poste à la Préfecture de police de Paris. "Dans un pays comme la France, il y a un certain nombre de droits qui ne permettent pas de tout savoir, même sur un fonctionnaire qui travaille dans le milieu du renseignement. Je rappelle que c’était un agent administratif, d’abord chargé de l’informatique."

"Il y a eu une méfiance qui s’est amoindri"

Le tueur avait reçu une habilitation "secret défense" pour pouvoir intervenir sur tous les postes informatiques de la DRPP, même ceux contenant des données sensibles. Pour avoir ce genre d’habilitation, une enquête extrêmement approfondie est conduite, mais il n’existe pas de surveillance en continu de tous les agents. Les écarts de comportement peuvent susciter une vigilance particulière mais l’ouverture d’une enquête à proprement parler ne se fait que si le chef de service a un doute et qu’il saisit l’IGPN, la police des polices.

"Il y a eu une méfiance qui s’est amoindrie parce que c’est quelqu’un qui travaillait depuis longtemps dans le service, et quand on travaille depuis longtemps dans un service, on n’est pas scanné de la même manière que lorsque l’on rentre dans une école de police ou dans un service sensible", explique Jean-Paul Mégret.

"Identifier les failles et être meilleur"

La faille concernant le drame de jeudi peut s’expliquer par le contexte, peut-être une forme de discrimination positive : l’assaillant était un administratif réservé, malentendant, avec des difficultés à s’exprimer et aussi à évoluer. Il travaillait là depuis 16 ans. Bref, l’informaticien que tout le monde connaît, croise, mais sans réellement faire attention à lui. "Derrière, ça va nous amener à faire de la détection en continue pour essayer de repérer les gens déjà présents dans nos services", concède notre syndicaliste.

D'autant qu’il y avait quand même eu une alerte en 2015 : le suspect avait tenu des propos jugés déplacés après les attentats de Charlie Hebdo, ce qui lui avait valu un rappel à l'ordre par ses supérieurs. "Il faut se servir de ce qui s’est passé pour identifier les failles et être meilleur. On a le droit de faire des erreurs terribles comme celle-là, une fois. Mais il faut s’en servir", conclut Jean-Paul Mégret.