Père Hamel 1:06
  • Copié
avec AFP , modifié à
Près de six ans après l'assassinat du père Jacques Hamel dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray, quatre personnes sont jugées à partir de lundi à Paris, dont l'instigateur présumé de l'attaque Rachid Kassim - probablement mort - et trois membres de l'entourage des jeunes assaillants tués sur place.

Près de six ans après l'assassinat du père Jacques Hamel dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray, quatre personnes sont jugées à partir de lundi à Paris, dont l'instigateur présumé de l'attaque Rachid Kassim - probablement mort - et trois membres de l'entourage des jeunes assaillants tués sur place.

Un attentat chargé en symboles

Les deux jihadistes de 19 ans, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, qui se réclamaient du groupe Etat islamique (EI), avaient été tués par les forces de l'ordre à leur sortie de la petite église de la banlieue de Rouen (Seine-Maritime), le 26 juillet 2016. Cet attentat chargé en symboles, visant pour la première fois en Europe un prêtre en pleine messe, avait bouleversé bien au-delà des frontières françaises.

Dans le box de la cour d'assises spéciale de Paris comparaîtront trois personnes de l'"entourage familial, amical ou téléphonique" des deux assaillants, selon les mots de l'accusation. Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia sont renvoyés pour "association de malfaiteurs terroriste", soupçonnés d'avoir été au courant des projets des deux jeunes hommes, d'avoir partagé leur idéologie extrémiste ou d'avoir tenté de rejoindre les groupes terroristes en Syrie.

Le quatrième accusé, Rachid Kassim, présumé mort dans un bombardement en Irak en février 2017, sera le grand absent du procès. Ce propagandiste français du groupe Etat islamique est le seul à être mis en examen pour complicité de l'assassinat du prêtre et de la tentative d'assassinat sur un paroissien, pour avoir "sciemment encouragé et facilité le passage à l'acte" d'Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean.

En contact régulier via la messagerie cryptée Telegram, il leur avait notamment fourni des conseils et des instructions pour commettre une action violente sur le sol français et pour réaliser leur vidéo d'allégeance à l'EI.

Malgré l'absence des principaux responsables, les victimes et leurs proches veulent croire que l'audience, prévue pour durer près de quatre semaines, aidera à la "compréhension" de ce qui s'est passé.

"Comprendre les motivations"

Guy Coponet, qui assistait à la messe avec sa femme et qui avait été grièvement blessé par les terroristes, "veut comprendre, à travers le procès, comment des jeunes tout juste sortis de l'adolescence en sont arrivés à commettre de telles horreurs", a expliqué à l'AFP son avocat, Méhana Mouhou.

Malgré ses 92 ans, il prévoit d'assister à une partie du procès, ce qu'il considère comme "une mission spirituelle" "pour la mémoire du père Hamel" et de son épouse, aujourd'hui décédée.

"Comprendre qui étaient les auteurs de l'acte et les motivations de leur passage à l'acte", c'est aussi l'"attente principale" des deux soeurs du père Hamel, Roseline et Chantal, selon leur avocat, Me Christian Saint-Palais. Elles veulent également savoir pourquoi leur frère, "un homme de paix", a été "désigné comme cible", et s'il y a eu "des insuffisances dans l'arsenal de prévention", alors que l'un des assassins était placé sous bracelet électronique au moment de l'attentat, après un départ avorté vers la Syrie.

L'archevêque de Rouen monseigneur Dominique Lebrun, interrogé par l'AFP, attend lui "que la justice soit rendue", pour les victimes, mais aussi pour "Farid Khelil, Yassine Sebaihia et Jean-Philippe Jean Louis détenus depuis cinq ans". "Sont-ils coupables? De quoi?", interroge-t-il.

Pour Béranger Tourné, avocat de Jean-Philippe Jean Louis, la réponse est claire: son client, Farid Khelil et Yassine Sebaihia ne sont "que trois lampistes (...) que l'on tente de raccrocher" de façon artificielle à l'attentat.

L'accusation décrit Jean-Philippe Jean Louis, âgé de 25 ans aujourd'hui, comme "très actif dans la jihadosphère", via l'administration d'une chaîne Telegram pro-EI et la création de cagnottes en ligne pour soutenir des personnes de "la mouvance islamiste radicale". Quelques semaines avant l'attentat, il s'était rendu en Turquie en compagnie d'Abdel-Malik Petitjean, dans le but, selon l'accusation, de rejoindre la Syrie.

Farid Khelil, cousin d'Abdel-Malik Petitjean, est lui présenté comme fasciné par les discours jihadistes. Egalement en contact avec Rachid Kassim sur Telegram, il aurait soutenu les velléités d'action violente de son cousin.

Ce Nancéien aujourd'hui âgé de 36 ans "n'était pas du tout au courant du projet criminel de son cousin" et "conteste avoir partagé son idéologie", assure au contraire à l'AFP son avocat, Me Simon Clemenceau. Quant à Yassine Sabaihia, 27 ans, qui avait brièvement rejoint les deux terroristes à Saint-Etienne-du-Rouvray le 24 juillet, avant de rentrer à Toulouse, "il ne savait pas ce qui était en train de se préparer", affirme son avocate, Me Katy Mira, espérant que le procès "fera le jour sur la non implication" de son client.