pass sanitaire covid-19 coronavirus manifestation Paris 13:52
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Pauline Rouquette , modifié à
Qui sont ces Français qui manifestent, et pourquoi leurs revendications sont-elles différentes ? Invité d'Europe 1, samedi, l'historien Sylvain Boulouque constate dans les protestations contre le vaccin ou le pass sanitaire des colorations politiques différentes, qui rend le mouvement assez similaire à celui des gilets jaunes.
INTERVIEW

Les manifestations ne faiblissent pas. "Ca a même tendance à augmenter, de semaine en semaine", affirme Sylvain Boulouque. Mais qui sont ces manifestants ? Historien et spécialiste du communisme, des mouvements anarchistes et de l’extrême-gauche, Sylvain Boulouque était l'invité d'Europe 1, samedi, pour partager son analyse du profil de ces Français qui battent le pavé pour le cinquième week-end consécutif contre le pass sanitaire ou contre le vaccin.

Colorations politiques différentes

"On est passé de quelques dizaines de milliers de manifestants à plusieurs centaines de milliers de manifestants", rappelle Sylvain Boulouque, ajoutant que cela traduit un mouvement de fond qui n'est pas, d'après les enquêtes d'opinion, un mouvement majoritaire, mais qui se renforce tout de même, notamment dans l'opinion. À plusieurs égards, l'historien trouve à ce mouvement des ressemblances avec celui des gilets jaunes. "C'est un mouvement extrêmement bigarré, et extrêmement contradictoire", dit-il.

"Vous avez des colorations politiques extrêmement différentes qui participent à ces mouvements", développe celui qui est aussi l'auteur de Mensonges en gilet jaune: Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'Histoire. "Vous avez une partie de l'extrême-gauche, et vous avez de l'autre côté une partie de l'extrême droite, et de la droite nationaliste", précise l'historien. "Si vous allez à Nantes, vous avez plutôt des manifestations qui sont des manifestations anti-pass sanitaire, plutôt animées par des militants proches des gauches radicales ; de l'autre côté, quand vous êtes dans le sud de la France, surtout dans le Sud-Est, et un peu plus dans le Sud-Ouest vous avez des mouvements inverses plutôt proches de l'extrême droite". Et actuellement, dit-il, on manifeste beaucoup plus dans le Sud.

À Paris, trois manifestations sont prévues : "une qui est plutôt très droite, organisée par Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan, qui sont plutôt à l'extrême droite de l'échiquier politique", évoque Sylvain Boulouque. "De l'autre côté, vous avez la manifestation gilets jaunes, qui est une une manifestation anti-pass - pas du tout antivax - et qui est donc plutôt plutôt marquée à gauche ; et puis, une troisième manifestation qu'on appelle 'complotiste', avec des gens qui imaginent que le vaccin va leur inoculer la 5G et tout un tas d'autres fantasmagories qui relèvent d'une théorie du complot."

Distinguer antivax et anti-pass

Alors que Sylvain Boulouque avance que le mouvement d'opposition est davantage un mouvement anti-vaccins qu'un mouvement anti-pass, il précise l'importance de bien distinguer les manifestants anti-pass et les antivax. "Les gens de gauche sont plutôt majoritairement favorables au vaccin, ils seraient même, pour certains, favorables à un vaccin obligatoire", explique l'historien, spécialiste de l'extrême-gauche. "Mais ce à quoi ils sont opposées, c'est le pass sanitaire avec la contrainte sur les libertés". Il y a cette dimension là qui s'inscrit dans une "contestation beaucoup plus longue, et à beaucoup plus long terme", poursuit-il, dressant un parallèle avec les manifestations contre la loi de sécurité globale, et précisant que ces revendications ne concernent qu'une part minoritaire des manifestants.

"Ensuite, vous avez une deuxième partie des manifestants qui est plutôt anti-vaccins, qui est plutôt à droite : 'au nom de la liberté individuelle, je fais ce que je veux'", poursuit Sylvain Boulouque. Ces deux dimensions sont un peu celles que l'on trouvait dans les rangs des gilets jaunes, selon lui. "À noter également qu'avant le mouvement des gilets jaunes, au mois de janvier et février 2018, vous aviez déjà cette volonté d'afficher une liberté face aux vaccins", rappelle l'historien, évoquant la fronde lors du passage de cinq à 11 vaccins obligatoires pour les enfants. "Vous avez vraiment ces deux dimensions qui cohabitent, mais à la différence des gilets jaunes, les manifestants ne manifestent pas les uns avec les autres".