L'Australie a annulé le contrat de 56 milliards d'euros de sous-marins avec la France. 3:26
  • Copié
Gauthier Delomez , modifié à
L'heure est à l'analyse géopolitique de la décision de l'Australie de se séparer, au dernier moment, de son allié français pour acquérir des sous-marins nucléaires. Pour Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées, cette décision surprenante est une grande erreur stratégique pour l'Australie.

L'annulation du contrat du siècle avec la France est-elle une si bonne affaire pour l'Australie ? C'est tout le contraire pour Hervé Grandjean, porte-parole du ministère des Armées. Pour rappel, le Premier ministre australien Scott Morrison a mis fin au contrat passé avec la France de 56 milliards d'euros de sous-marins pour se tourner vers les États-Unis. Le président français Emmanuel Macron va s'entretenir avec son homologue américain Joe Biden ce mercredi, annonce le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.

Au-delà de la perte d'un contrat pharaonique pour la France, Hervé Grandjean estime sur Europe 1 que le revirement de l'Australie lui sera "extrêmement préjudiciable" pour contrer la puissance de la Chine en Asie-Pacifique.

Le porte-parole du ministère des Armées rappelle que ce type de contrat s'inscrit dans le temps long, et que les négociations avaient déjà bien avancé entre la France et l'Australie. "Les Australiens souhaitaient se doter rapidement de sous-marins pour contrer la menace militaire chinoise de plus en plus prégnante dans la zone indo-pacifique", explique-t-il dans l'émission Europe Midi.

Des délais et des coûts supplémentaires

La date de livraison du premier sous-marin français était prévue à l'horizon 2030. Hervé Grandjean estime que l'Australie va perdre dix ans supplémentaires pour recevoir de nouveaux sous-marins, soit aux alentours de 2040. "Quand on sait que la Chine construit en trois ans l'équivalent en tonnage de la Marine française, les dix ans de retard que prend l'Australie lui seront extrêmement préjudiciables", assure Hervé Grandjean.

Plus que la question du délai, il y a aussi les coûts de fabrication. "Les nôtres étaient maîtrisés, de l'ordre d'un milliard d'euros pour un Barracuda français. Pour un sous-marin nucléaire d'attaque américain, que les Australiens sont en train de regarder, on est plutôt dans une ordre de grandeur de trois fois plus, soit 3 milliards d'euros", affirme-t-il, appuyant que "ce n'est pas une bonne affaire pour le contribuable australien d'avoir une marine dotée en sous-marins plus tard et plus cher".

"Ce n'est pas de bon augure" pour l'Australie

Le porte-parole du ministère des Armées se dit également surpris de cette décision des Australiens. "Le jour-même de la décision, le directeur du programme de sous-marins en Australie nous écrivait qu'il était très content des performances et du déroulement du projet", indique-t-il. "On était prêt à en contractualiser une nouvelle phase", souligne Hervé Grandjean.

Celui-ci accuse le Premier ministre australien Scott Morrison de "duplicité à l'égard de son partenaire stratégique français, mais aussi à l'égard de ses propres équipes". À l'arrivée, Hervé Grandjean juge que les discussions restreintes avec les États-Unis et le Royaume-Uni "ne sont pas de bon augure pour la suite du projet" de l'Australie. "Les Australiens repartent d'une feuille blanche. Concevoir et fabriquer des sous-marins, cela ne se fait pas à deux ou trois", argumente-t-il, avant de conclure : "Désormais, l'Australie se lance un peu dans l'inconnu".