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Louise Sallé, édité par Thibault Nadal , modifié à
Après les révélations d’abus sexuels dans l'Église par le rapport Sauvé cet automne, une trentaine de victimes a récemment dénoncé des violences sexuelles subies dans les années 1960 dans plusieurs établissements scolaires de l’ouest de la France, par les Frères de Saint-Gabriel. La congrégation religieuse prend la parole ce jeudi pour reconnaître ces crimes.

Grâce au rapport Sauvé, les paroles se libèrent. Une trentaine de victimes, dans l’ouest de la France, a récemment témoigné avoir subi des viols et des attouchements dans les années 1960, dans cinq établissements scolaires et juvénats de Vendée, du Finistère, de Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire, gérés par les Frères de Saint-Gabriel. Cette congrégation religieuse a donc décidé de reconnaître, ce jeudi à Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée, ces crimes. C’est la toute première reconnaissance de crimes d’abus sexuels de la part d’une congrégation religieuse en France.

Des attouchements qui ont commencé en CE1

En 1965, Jean-Pierre Fourny avait huit ans. Les attouchements ont commencé lorsqu’il était en CE1 et ont duré deux ans, deux fois par semaine. Frère Gabriel Girard était son instituteur. "Il nous appelait régulièrement les uns après les autres, pour nous toucher. Et pour qu'on le touche", raconte-t-il. "C'est quelqu'un qui est allé jusqu'au viol."

"C'est catastrophique pour l'avenir d'un enfant"

"À mon avis, on a été plus de cent à avoir subi ces violences puisqu’il a enseigné dans plusieurs écoles et aucun enfant ne lui échappait, il ne faisait que ça", poursuit Jean-Pierre, qui a fondé le “groupe des victimes de la congrégation des Frères de Saint-Gabriel".

À 66 ans, la blessure qui a marqué son enfance est encore vive. "Huit ans, c'est quand même la période où l’on apprend à lire et à écrire. Après avoir vécu ça, on ne peut plus écrire sans fautes, on sait à peine lire…", se souvient-il. "Ça a été très compliqué pour moi dans ma jeunesse : j’avais un comportement violent, je refusais toute soumission à l'autorité. C'est catastrophique pour l'avenir d'un enfant", reprend-il.

Cette histoire, Jean-Pierre la racontera à nouveau ce jeudi, face à la congrégation. En tout, une vingtaine de Frères de Saint-Gabriel, présumés prédateurs, ont été recensés. Les faits sont prescrits. Mais grâce à la Commission de reconnaissance et de réparation (CRR), mise en place à la suite du rapport Sauvé pour recueillir la parole des victimes de congrégations religieuses, une indemnisation peut être demandée

Une congrégation religieuse qui enseigne encore à des enfants dans de nombreux pays 

Antoine Garapon préside cette commission : "Les victimes vont remplir un questionnaire avec des membres de la commission", annonce-t-il. "Chacun doit noter, en quelque sorte, son préjudice, en fonction de comment ce qu’il a subi a affecté sa vie intime, affective, professionnelle, familiale ou spirituelle", détaille le président de la CRR. "L’indemnisation peut aller de 5.000 à 60.000 €, ce qui correspond aux fourchettes retenues par la justice française", complète-t-il. 

Aux yeux de Jean-Pierre, l’étape de reconnaissance de ce jeudi est plus importante encore que la somme d’argent qu’il pourra toucher. Il souhaite que cette congrégation mesure la gravité des agissements du passé. Les Frères n’enseignent plus en France, mais gèrent de nombreux établissements à l’étranger.