Un institut pour enfants handicapés soupçonné de maltraitance

Un institut d'accueil pour enfants polyhandicapés est pointé du doigt dans le Gers.
Un institut d'accueil pour enfants polyhandicapés est pointé du doigt dans le Gers. © MAXPPP
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L'établissement a été placé sous tutelle par la ministre Marie-Arlette Carlotti mercredi.

L'info. Les associations et des salariés dénoncent une "situation de maltraitance", un rapport de l'Agence régionale de santé (ARS) de Midi-Pyrénées souligne pour sa part "de graves dysfonctionnements dans les conditions d’installations (...) et de fonctionnement". Un institut d'accueil pour enfants polyhandicapés est pointé du doigt dans le Gers. La ministre du Handicap, Marie-Arlette Carlotti, a décidé de placer l'établissement sous tutelle mercredi. Europe1.fr vous en dit plus sur cette affaire.

Ce que dénoncent les salariés. "Les enfants sont des otages silencieux, victimes d'une institution d'un autre âge et oubliés de tout le monde", dénonce l'une des employées de l'IME jointe par Europe1.fr. Selon elle, dans certaines unités de l'institut "des enfants sont contentionnés sur ordre de la directrice médicale mais sans protocole écrit". "Il y a aussi une promiscuité absolue. Il n'était pas rare d'avoir les garçons et les filles mélangés dans les douches, sans qu'on puisse essayer de protéger leur intimité", poursuit-elle.

Cette salariée assure également qu'"il y a des discriminations en fonction de l'ethnie et de l'origine sociale de l'enfant ou de son handicap. Certains enfants défavorisés, ou avec pas de famille, seront moins bien pris en considération qu'un enfant dont la famille est présente".

Certains enfants sont "enfermés dans des box de 3m², sans point d'eau ni toilettes, ils font leurs excréments dans les box", dénonce pour sa part Anne-Marie Nunes, qui représente l'Association des paralysés de France dans le Gers. "Il n'y a pas de suivi gynécologique, ophtalmologique, de dentiste, ou même de neurologue. Quand on sait qu'il y a des enfants autistes et qui ont des troubles neurologiques graves", ajoute-t-elle.

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Qu'en disent les autorités ? L'ARS de Midi-Pyrénées a visité l'IME de Moussaron au début du mois de juillet dernier. Dans son rapport, l'agence relève les mêmes dysfonctionnements que les salariés. "La mission a constaté que la majorité des enfants est contenue physiquement sous des formes diverses (brassières de contention avec sangles, lits 'cages', box transparents fermés à clé). (...) Cette pratique n'est pas évaluée individuellement  et ne fait pas l'objet d'une prescription médicale, ce qui est contraire aux droits de l'enfant", note l'ARS.

"Hormis dans le nouveau bâtiment, il n'y a pas de salle de bains : les points d'eau sont dans les dortoirs. Les rideaux ne permettent pas de préserver l'intimité", peut-on lire dans le rapport. "Les lits ne sont pas adaptés à la taille des enfants (enfants recroquevillés, pieds qui dépassent, lits cage pour enfants de plus de 6 ans...)", poursuit le rapport.

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Qui savait ? "Tout le monde sait ! Quand on en parle, les gens nous disent 'ah oui, je sais'", dénonce Anne-Marie Nunes.

Dès 1997, l'ARS de Midi-Pyrénées a tiré la sonnette d'alarme. Mais "la majorité des dysfonctionnements graves relevés par la mission se retrouve dans les précédents rapports d’inspection (1997, 2001 et 2002) sans que la plupart des mesures correctives correspondantes n’aient été apportées", note l'agence dans son dernier rapport.

Et les familles ? "On leur cache la vérité sur les conditions d'hébergement de leur enfant, la prise en charge, la vie à l'institution dans ce qu'elle a de plus moche", affirme la salariée de l'IME interrogée par Europe1.fr. Jusqu'à présent une seule famille a porté plainte contre l'établissement. Mais déjà cinq autres se sont manifestées auprès de Me Janois, avocate spécialisée dans le défense des autistes, "dont une qui avait porté plainte il y a longtemps mais dont la plainte avait été classée sans suite, faute de preuve", détaille-t-elle pour Europe1.fr "Ces familles n'étaient pas au courant. On leur a fait visiter des locaux magnifiques. Mais l'un des enfants est mort à l'hôpital après s'être étouffé dans son vomi et avoir eu des lésions irréversibles aux poumons. Une autre a eu le nez infecté pendant deux mois sans que le personnel ne s'en aperçoive", détaille l'avocate.

La réponse de la direction. Europe1.fr n'a pas réussi à joindre la direction de l'IME de Moussaron. Dans les colonnes du journal Sud Ouest, le chef de service de l'établissement, Philippe Lacroix, explique qu'un audit avait été mené en novembre 2012 et abouti à la mise en évidence de "quarante points d'amélioration". "Les injonctions et préconisations que l’Agence régionale de santé nous a soumises font partie des points que nous avions soulignés après l’audit", assure-t-il. "Étape par étape, nous sommes en train de lever les injonctions dans un très bon climat", assure encore Philippe Lacroix.

Selon lui, "les accusations ne sont pas portées contre l’institut, mais contre le couple dirigeant, fondateur de l’institut et objets de propos fallacieux. Ce qui est intolérable." "Il y a une grande qualité et un vrai professionnalisme dans les actes menés à Moussaron. Par ailleurs, et je suis payé pour ça, ma volonté première est de protéger les enfants. Avec le travail qui est mené actuellement, je pense que nous sortirons certes très fatigués de cette période. Mais nous en sortirons surtout grandis", conclut Philippe Lacroix.

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Les mesures prises par la ministre. "Je demande, sans délai, à la Directrice générale de l’Agence Régionale de Santé (ARS) de mettre l’IME Moussaron sous administration provisoire. Je vais par ailleurs confier à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) la mission de faire des préconisations de bonne gestion qui constitueront une 'feuille de route' pour une équipe de direction renouvelée", a annoncé jeudi Marie-Arlette Carlotti, dans un communiqué. "La vulnérabilité des enfants accueillis exige de ceux qui les accompagnent un comportement exemplaire. En dernier ressort, c’est à l’Etat d’y veiller. Aujourd’hui, c’est ce que je fais avec détermination et fermeté", ajoute-t-elle.

"C'est une décision qui est juste. On ne demandait pas la fermeture de cet établissement, on en manque cruellement, notamment ceux qui prennent en charge les polyhandicapés. Et on n'a pas envie que les salariés se retrouvent à la rue", se félicite Anne-Marie Nunes.