Suicide à l’école: quel suivi psychologique ?

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Frédéric Frangeul , modifié à
INTERVIEW E1 - Deux spécialistes confient les règles à observer pour prendre en charge les enfants.

L’INFO. Les enfants de l’école parisienne qui ont vu un homme se suicider sous leurs yeux ont vécu quelque chose de "totalement aberrant, incompréhensible et d'une violence inouïe". Pour le pédopsychiatre Jean-Pierre Cohen, "il faut le plus vite possible les rassurer, leur donner un lieu paisible d'écoute où ils peuvent raconter. Tout en vrac, débriefer ces enfants, de sorte que la trace soit la moins profonde possible, pouvoir passer le plus vite à autre chose", a-t-il souligné sur Europe 1.

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Rassurer les enfants. Le médecin urgentiste Patrick Pelloux, membre de la cellule psychologique d'urgence mise en place après le drame jeudi matin, a expliqué jeudi sur que les enfants "ont été très choqués".  "Ils ont vu tout ce qui s'est passé", a-t-il ajouté. "Notre travail a consisté à leur dire que ce personnage, dans un délire paranoïde, ne voulait pas les tuer, mais se tuer lui-même", a expliqué le médecin jeudi sur Europe 1.

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Accorder la parole. Désormais, la priorité pour le corps médical est d’inciter les enfants à parler pour raconter ce qu’ils ont vu. "Parler, exprimer ce qu'ils ont vu, pouvoir le dire à quelqu'un qui écoute avec bienveillance, plutôt un professionnel de la parole dans ces circonstances-là, c'est souhaitable", assure Jean-Pierre Cohen. "Ce qui est nécessaire, c'est de réparer le groupe. Il faut prendre tranquillement le temps tranquillement d'accorder la parole aux adultes et aux enfants, et retrouver la cohésion du groupe pour resanctuariser l'école, ça me parait très important", ajoute-t-il.

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Jeudi, peu après les faits, un écolier témoin des faits avait a raconté au micro d'Europe 1 ce qu'il a vu. "J'ai entendu le coup de pistolet. Ils ont dit qu'il fallait se cacher et s'éloigner. Il y avait beaucoup de gens qui ont pleuré comme moi", a  confié le petit garçon en hoquetant. "J'avais très peur. Je pensais qu'ils étaient des terroristes qui avaient des pistolets et qui allaient venir dans l'école. J'étais derrière et j'ai vu le monsieur qui était par terre avec tout le sang".

"Le drame fait mûrir". Ce témoignage révèle "le côté très spontané de ce que ces enfants, avec une immense maturité", observe Jean-Pierre Cohen. "Le drame fait murir très vite, c'est quand même assez stupéfiant d'entendre la qualité de propos et la précision de la description", ajoute-t-il. "Il n'y a pas de pathos, ces enfants ne se roulent pas par terre, ils disent des choses gravissimes, disent qu'ils ont pleuré, qu'ils ont vu du sang, tout en étant parfaitement maîtrisés dans leur parole".

Surveiller le sommeil. Jean-Pierre Cohen, qui a pris en charge les enfants de l'école Ozar Hatorah, à Toulouse, après la tuerie de Mohamed Merah, insiste sur un point particulier : l’importance du sommeil. "Ce qui a été pour moi l'indicateur constant du bien-être ou du mal-être des enfants, c'est la qualité de leur sommeil". Et le spécialiste de préciser : "Ce qui a été constaté après le drame de Toulouse, c'est que des enfants qui n'ont jamais eu le moindre trouble du sommeil sont devenus insomniaques, avec des terreurs". Pour Jean-Pierre Cohen, "c 'est à cela qu'il faut veiller pour les enfants se réparent le plus vite et le mieux possible".