Peut-on se marier avec le père de son ex-mari ?

La justice française a ordonné l'annulation de l'union d'une femme et de son ex-beau-père. Le couple a porté l'affaire devant la Cour de cassation.
La justice française a ordonné l'annulation de l'union d'une femme et de son ex-beau-père. Le couple a porté l'affaire devant la Cour de cassation. © MAXPPP
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avec AFP , modifié à
La justice française a ordonné l'annulation de l'union. Le couple a porté l'affaire devant la Cour de cassation.

L'info. Une femme a-t-elle le droit d'épouser, en secondes noces, le père de son ex-mari ? C'est la question à laquelle doit répondre la Cour de cassation. Jusqu'à présent, la justice française ne reconnaît pas ce mariage. Mais le couple entend faire valoir ses droits en s'appuyant sur une décision européenne. La Cour de cassation rendra son arrêt le 4 décembre prochain.

Divorce et remariage. En 1969, la plaignante avait épousé un homme dont elle se sépare en 1977, après avoir eu avec lui une fille. Le divorce est prononcé en 1980, après que son ex-mari a notamment été condamné à deux reprises pour des violences conjugales. En 1983, elle épouse finalement son ex-beau-père, qui s'était depuis la séparation occupé d'elle et de son enfant "pour pallier la défaillance de son fils".

Un article méconnu. Mais après 22 ans de mariage, et sans naissance issue de cette nouvelle union, le second mari décède. Un an plus tard, sur fond de querelle pour l'héritage, le fils assigne devant le tribunal de grande instance de Grasse son ex-femme, devenue sa belle-mère, pour faire prononcer la nullité du second mariage qu'il juge contre-nature. L'annulation a été prononcée début 2011 et confirmée en appel en juin 2012. En effet, l'article 161 du code civil dispose que, "en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne". Une modalité qu'ignoraient les époux, tout comme l'officier d'état-civil qui les a mariés.

Des principes de droit qui s'affrontent. Mais depuis, une bataille juridique autour de deux principes de droit s'est engagée. L'avocat de l'ex-épouse, qui demande donc que l'annulation du second mariage soit cassé, s'appuie sur l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) qui garantit la liberté du mariage. Pour Me Jean-Philippe Duhamel, "le droit de la famille est marqué par une liberté sans cesse plus grande". Il souligne d'ailleurs que le Royaume-Uni a été condamné en 2005 par la Cour européenne des droits de l'Homme pour des faits similaires. De son côté, la Cour de cassation avait relevé, dans un rapport sur ce dossier, un autre article de la CEDH, garantissant le droit au respect de la vie familiale, et au titre duquel l'action du mari pourrait relever de l'ingérence.

Mais l'avocat général, Léonard Bernard de la Gatinais, a demandé à la Cour de cassation de rejeter le pourvoi du couple "femme - ex-beau-père". Il juge en effet qu'au delà d'un "contexte d'évolutions familiales et des moeurs incontestable", c'est "l'intérêt de l'enfant qui est au coeur du sujet". Et le magistrat s'appuie pour cela sur l'article 161 qui, selon lui, protégerait l'enfant en lui permettant d'avoir "des repères générationnels et relationnels clairs".