Les biens mal acquis, stop ou encore ?

Ali Bongo, le président gabonais, est l'un des trois chefs d'Etat africains dont les biens français pourraient être soumis à enquête.
Ali Bongo, le président gabonais, est l'un des trois chefs d'Etat africains dont les biens français pourraient être soumis à enquête. © REUTERS
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avec Aude Leroy et agences , modifié à
La Cour de Cassation autorisera ou non mardi l’enquête sur les biens de trois présidents africains.

C'est mardi que la Cour de Cassation doit trancher définitivement pour autoriser ou non un juge français à enquêter sur les logements de luxe et avoirs bancaires détenus par trois chefs d’Etat africains.

L’affaire a débuté en mai 2009, quand une juge d'instruction avait déclaré recevable la plainte de l'ONG anticorruption Transparency International concernant les biens détenus en France par la famille d'Ali Bongo, président du Gabon, Denis Sassou Nguesso, son homologue du Congo-Brazzaville et Teodoro Obiang, chef d’Etat de la Guinée équatoriale.

Depuis, l’enquête a été suspendue par un appel du parquet. Le 28 octobre 2009, l'ordonnance a été annulée par la chambre de l'instruction de Paris, et c'est cette décision que la Cour de cassation réexamine.

"Une brèche dans ce mur d’impunité"

Au centre de la bataille se trouve une liste impressionnante d'immeubles de luxe, de voitures et de comptes bancaires. Un patrimoine qui représente 130 à 150 millions d'euros selon le président de Transparence International France, Daniel Lebègue. "Dans le cadre de la famille Bongo, on a 39 propriétés immobilières, la majorité dans le 16e arrondissement de Paris, près de la place de l’Etoile. Dans le cadre de la famille Sassou-Nguesso, on a 18 propriétés, sans compter plusieurs centaines de comptes au nom de membres de la famille", énumère-t-il. "Et un parc de voitures de luxe, plutôt pour la famille Obiang."

Si la Cour de Cassation autorise un juge à enquêter sur ces biens, ce sera une première aux conséquences concrètes. "Ce serait une brèche dans ce mur d’impunité", veut croire Maître William Bourdon, président de Sherpa, un réseau international de juristes. "Et ça permettrait que peut-être un jour ces propriétés, ces comptes bancaires et autres soient restitués aux populations africaines appauvries."

La riposte est prête

Une éventuelle réponse favorable de la plus haute juridiction française mettrait aussi en péril les relations avec certains pays-clés pour son influence économique et politique en Afrique. "Au-delà des relations franco-africaines, c'est bien la capacité de la justice française à poser des limites au pillage des pays du Sud qui est en jeu", estime lundi dans un communiqué l'association CCFD-Terre solidaire.

Enfin, si l'enquête était lancée, les magistrats se heurteraient à l'immunité coutumière accordée aux chefs d'Etat en exercice, mais en revanche, leurs proches n'en bénéficieraient pas et pourraient donc en théorie être arrêtés, sauf immunité diplomatique.

Une telle issue est préparée par le camp des présidents concernés. D'ores et déjà, les avocats du président de Guinée équatoriale ont prévu de répliquer, contestant l'état des lieux des associations et leur instrumentalisation de la Justice.