Le témoignage bouleversant de Marina

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François Coulon et avec AFP , modifié à
Le film de l'audition de Marina, morte en 2009, a marqué jeudi les assises qui jugent ses parents.

Une cour d'assises au bord des larmes. Jeudi matin, les juges ont visionné l'audition, un an avant sa disparition, de Marina, morte en 2009 à l'âge de 8 ans après avoir subi pendant toute sa courte vie les sévices de ses parents, aujourd'hui jugés. Eric et Virginie Sabatier comparaissent depuis lundi devant les assises de la Sarthe pour "actes de torture et barbarie".

Le premier signalement au parquet du Mans pour maltraitance sur la fillette a donné lieu à une enquête en 2008. Une enquête qui n'avait débouché sur aucune poursuite. Un médecin légiste avait pourtant constaté 19 lésions sur le corps de la fillette. Et les gendarmes avaient auditionné longuement la jeune victime.

"Ces enfants-là protègent leurs parents"

Sur la vidéo de cette audition, Marina a sept ans, elle apparaît heureuse à l'écran, rit même à gorge déployée avec l'enquêtrice qui l'interroge. C'est ce rire un peu métallique qui a résonné dans la salle d'audience jeudi. La fillette paraît éveillée, souriante. Et surtout, Marina a réponse à tout. Elle a quasiment une explication à chacune des lésions relevées par le médecin légiste.

Chute dans l'escalier, chute en vélo, coup de pierre, coup de poing d'un frère ou d'une sœur… la fillette assure que tout se passe bien à la maison.  Les cicatrices ? "C'est parce que je tombe", explique Marina. Une vidéo de 45 minutes au cours de laquelle elle n'avoue rien, ne montre rien, sauf à la dernière minute où la petite va faire un lapsus, avant de se reprendre. "Ces enfants-là ne parlent pas, ces enfants-là protègent leurs parents, et même, ils adorent leurs parents, ils sont comme des robots", décrypte Me Rodolphe Constantino, avocat de l'association Enfance et partage, au micro d'Europe1.

L'affaire classée sans suite

Dès les premières secondes de la diffusion de la vidéo de l'audition, Virginie Darras, la mère, éclate en sanglots, et cacheson visage en baissant la tête. "On a dû lui dire avant de ne pas dire ce qui se passait à la maison et que si elle le disait on pourrait aller en prison et elle ne nous reverrait plus", avoue, le visage défait, Virginie Darras. Son mari, lui, a fixe l'écran, les coudes sur les genoux, impassible. Puis, secoué de tremblements, il explique qu'il a alors pensé alors que "c'était fini", que Marina allait tout dire.

Juste avant, la cour avait entendu le médecin légiste qui a examiné Marina le 15 juillet 2008, en présence d'Eric Sabatier. Le médecin a reconnu que les lésions "d'allure ancienne restaient très suspectes du point de vue de leur nombre (...) Les explications données par le papa ne pouvaient nous faire exclure des faits de violence", a-t-il expliqué, relisant son rapport.

"En tant que père, voir un enfant couvert de blessures qui ne sont pas courantes à cet âge-là, on ne peut qu'être suspicieux" mais "rien ne permettait formellement d'incriminer une tierce personne", s'est justifié le légiste.

"On est tout près de pouvoir la sauver"

Pour Me Rodolphe Constantino, Marina n'a pas été suffisamment protégée par les instances judiciaires. "C'est très émouvant, parce qu'on ne peut pas s'empêcher de penser qu'on est tout près de pouvoir la sauver à ce moment-là, et qu'en fait, on ne le fait pas. Parce qu'on n'a pas compris quel est le sens d'un signalement, le signalement est juste une mesure de protection. A compter du moment où il y a un doute, on protège l'enfant, c'est ça que l'on n'a pas fait, c'est ça que l'on aurait dû faire", déplore-t-il au micro d'Europe 1.

Les parents de Marina, en procédure de divorce, encourent la réclusion à perpétuité.