L’UEJF place Apple sous surveillance

Avoir fait retirer "Juif ou pas Juif" de l'AppStore, l'UEJF veut poursuivre et étendre son combat.
Avoir fait retirer "Juif ou pas Juif" de l'AppStore, l'UEJF veut poursuivre et étendre son combat. © MAXPPP
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INTERVIEW - Le président de l’association estudiantine juive détaille le projet App’Watch.

Après un combat long de plusieurs mois, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), aidée d’autres associations, a enfin obtenu d’Apple qu’elle retire mercredi au niveau mondial l’application "Juif ou pas juif" de son AppStore. Toutes les actions en justice ont été abandonnées afin de mettre un point final au dossier. Mais échaudée, l’UEJF a annoncé la création d’une cellule de veille, App’Watch, afin de dénoncer les futures applications à caractère raciste ou antisémite. Jonathan Hayoun, président de l’association estudiantine, explique à Europe1.fr le sens d’une démarche résolument ambitieuse, visant à terme à dépasser la seule Apple.

Europe1.fr : Malgré votre victoire dans l’affaire de l’appli "Juif, pas juif", vous poursuivez votre action avec App’Watch. Pour quelles raisons ?
Jonathan Hayoun. C’est vrai qu’on a obtenu gain de cause, mais il a fallu du temps pour arriver au bout de cette affaire-là. L’idée de cette cellule de veille est double. D’abord éviter ce type de dérive à l’avenir. Il faut pouvoir signaler ce type d’application beaucoup plus vite. Car si Apple réalise un travail de filtre des contenus racistes ou antisémites, c’est plus compliqué pour les applications plus ‘subtiles’, comme "Juif ou pas Juif". On ressent là la nécessité de mener ce travail de veille. L’autre raison d’être d’App’Watch sera de constituer une cellule de réflexion sur la législation française, la faire évoluer pour responsabiliser davantage les éditeurs, ceux qui publient les contenus incriminés.

Vous ne voulez donc pas vous arrêter à Apple…
Au début, on va démarrer la cellule de veille sur les applications disponibles dans l’AppStore français, parce qu’on sait qu’on va pouvoir désormais leur signaler rapidement les applications qui posent problème. Mais on veut ensuite l’étendre à un travail de veille beaucoup plus général sur Internet. Cela fait longtemps qu’on travaille là-dessus, avec une commission vigilance au sein de notre association. L’idée, c’est de travailler avec les opérateurs, les moteurs de recherche, pour faire en sorte que leur système de signalement soit amélioré si on trouve qu’il pose problème, qu’il met trop de temps à réagir. On préfère considérer que les Google, Android Market et autres sont plus des partenaires que des adversaires dans ce travail.

Votre démarche est pour le moins ambitieuse. Comment comptez-vous précéder concrètement ?
C’est sûr que le chantier est vaste, même si l’objectif n’est évidemment pas de mettre sous surveillance Internet, ce qui serait impossible. Mais il faut être ambitieux au départ d’un projet. Au début, on embauchera une personne qui sera en veille sur l’AppStore français. Mais ce ne sera qu’un premier jet. On va s’associer à d’autres associations, à des spécialistes du droit sur Internet pour véritablement réfléchir à la manière dont cette cellule va être déployée. On espère ensuite avoir des professionnels, qui vont travailler à alerter, à signaler lorsqu’il y a des contenus racistes ou antisémites identifiés. Et puis on va également travailler à une application App’Watch où les gens pourront nous signaler dès qu’ils constatent quelque chose qui ne va pas. Pour l'heure, ce n'est qu'un projet, mais ça peut aller très vite, ce n'est peut-être l'affaire que de trois, quatre mois.
 
Avez-vous des exemples de dérives contre lesquelles vous souhaitez lutter ?
Le gros exemple, c’est Google Suggest, qui fait apparaître très rapidement le mot "juif" derrière le nom d’une personnalité dans sa barre de recherche. La France est le pays où ce phénomène est le plus répandu. On va rencontrer prochainement les représentants de Google pour en parler. Par ailleurs, nous sommes en procès actuellement contre Dailymotion, qui met en ligne des vidéos de négationnistes, avec des bannières de publicité au-dessus. Pour nous, il y a une véritable responsabilité de Dailymotion, qu’on attaque en tant qu’éditeur. A ce sujet, il y a un véritable chantier à mener dans la législation française.