"J’étais droguée par un médecin de l’Opus Dei"

Plusieurs témoins se sont succédés à la barre jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris pour dénoncer les dérives sectaires de l'Opus Dei.
Plusieurs témoins se sont succédés à la barre jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris pour dénoncer les dérives sectaires de l'Opus Dei. © MAXPPP
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avec AFP , modifié à
Des témoins ont dénoncé jeudi devant le tribunal l'emprise "sectaire" de l’organisation catholique.

Le premier jour du procès pour travail dissimulé, au coeur duquel l’Opus Dei est mêlé, a été marqué par une succession de témoignages à la barre du tribunal correctionnel de Paris, jeudi après-midi. Un à un, ces témoins ont dénoncé l'emprise "sectaire" qu'exerce selon eux l'Opus Dei - qui est jugé, via l'Association de culture universitaire et technique (Acut), pour "travail dissimulé" et "rétribution contraire à la dignité" - sur certains de ses membres.

"Je suis la seule à avoir porté plainte"

La première à avoir témoigné est l’unique plaignante face à cette puissante organisation catholique. Catherine a tenté de convaincre qu’elle a été exploitée par l’Opus Dei alors qu’elle avait intégré l'école Dosnon, qui dépend de l'Acut. A la barre, Catherine a raconté son intégration, comment elle est devenue "numéraire auxiliaire", soit en langage opusien chargée des tâches ménagères. Pendant treize ans, elle dit avoir nettoyé, rangé et servi tous les jours durant une douzaine d'heures, week-end compris, sans jamais prendre de vacances, ni être valablement payée, dans différents établissements gérés par l'Opus Dei. Et d’assurer que les salaires sont "rentrés sur (son) compte, mais ils en sont sortis tout seul".

La voix cassée par l'émotion, Catherine a expliqué après avoir prononcé ses vœux de "pauvreté, chasteté, obéissance", que ses parents "étaient devenus le diable". Jusqu’au jour, où "en janvier 2001, je suis allée en urgence chez le médecin de mes parents. Il m'a expliqué que j'étais droguée à très forte dose, avec des neuroleptiques et leurs génériques" prescrits par un médecin de l'Opus Dei. Ça a été le déclic : elle a quitté l’Acut.

"Je suis la seule à avoir osé porté plainte", a déploré Catherine. "Je connais des gens qui en sont sortis qui disent à la virgule près la même chose que moi. Il y en a qui me disent encore : ‘j'en fais des cauchemars toute la nuit. J'ai peur’".

"Je me suis fait pigeonner"

Un récit appuyé par Anne-Cécile, venue avec d'autres jeunes femmes pour conforter le récit de Catherine. "Jamais, je n'aurais réussi à parler de cela aussi ouvertement", a-t-elle avoué avant d’assurer avoir "honte de (s'être) fait avoir pendant plusieurs années, d'avoir travaillé comme ça, d'avoir accepté des choses qu'on n'accepte pas". "Je me suis fait pigeonner", a-t-elle regretté. Prête à fondre en larmes, elle a expliqué ne "rien avoir à (se) reprocher", mais "pourtant je culpabilise d'être restée là-bas". "On était sous l'emprise, on faisait ce qu'on nous disait de faire mais on ne posait pas de questions. On ne pouvait pas décider. (...) On était bonnes à travailler", a-t-elle raconté. Et d’avouer : "ces quelques années sont un poids pour moi. Je n'arrive pas à tourner la page.

Là-bas, "on donne tout ce que l'on gagne à Dieu via l'Opus Dei", a raconté Blandine, qui a été, elle, un temps secrétaire à l'école hôtelière Dosnon. Ses journées commençaient à 6 heures et s'achevaient à 22 heures, rythmées par la prière et le travail. "Tout mouvement, toute activité doit être justifiée" par la religion. Ainsi, une activité comme le shopping est "impensable car cela n'a pas de vocation apostolique", a-t-elle décrit avant de déclaré que, selon elle, "la dimension sectaire est évidente".

Le frère de Nelly, entrée comme numéraire auxiliaire à l'Opus Dei en 1989, a dit lui aussi fait part de son inquiétude. "Elle n'est absolument pas autonome. (...) Elle n'a jamais d'argent sur elle, elle n'a pas de carte bleue", a-t-il témoigné à la barre. Pour illustrer cette inaptitude à la vie en société, il a raconté comment un jour, en déplacement à Lille, elle n'avait "pas réussi à acheter un ticket de métro", à l’âge de 40 ans.

Le procès se tient au tribunal correctionnel de Paris jusqu’à vendredi.