Erika : une décision très attendue

La Cour de cassation dira mardi si la justice française pouvait juger les responsabilités dans la marée noire causée par le naufrage de l'Erika.
La Cour de cassation dira mardi si la justice française pouvait juger les responsabilités dans la marée noire causée par le naufrage de l'Erika. © MAXPPP
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avec AFP et François Coulon à Batz-sur-Mer , modifié à
La Cour de cassation dira, mardi, si elle valide ou annule les condamnations dont celle de Total.

Les juges français pouvaient-ils juger des responsabilités dans le naufrage de l'Erika ? La Cour de cassation dira mardi si elle valide ou annule les condamnations, dont celle du groupe Total, prononcées pour la marée noire déclenchée par le naufrage du cargo pétrolier il y a presque 13 ans au large de la Bretagne. L'avocat général a recommandé une "cassation sans renvoi de l'arrêt attaqué". Les victimes de la catastrophe écologique attendent la décision avec angoisse.

Les faits. Le 12 décembre 1999, l'Erika, un navire vieux de 25 ans, se brise à une cinquantaine de kilomètres des côtes du Finistère. A bord de ce cargo battant pavillon maltais, affrété par le groupe français Total et appartenant à un armateur italien, plus de 30.000 tonnes de fioul, dont 20.000 se répandent en mer. 400 kilomètres de côtes de la pointe du Finistère à la Charente-Maritime sont souillées et quelque 150.000 oiseaux sont mazoutés.

Le préjudice écologique reconnu

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Dix ans de procédure. La cour d'appel de Paris confirme en 2010 les condamnations pénales pour pollution du groupe Total, de la société de classification Rina, de l'armateur Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara. Les parties civiles (Etat, collectivités locales, associations de protection de l'environnement) ont obtenu 200,6 millions d'euros de dommages et intérêts, dont environ 13 millions au titre de leur "préjudice écologique".

Mais les quatre condamnés se pourvoient en cassation. Au printemps, l'avocat général à la Cour de cassation, Didier Boccon-Gibod, provoque un tollé en recommandant une "cassation sans renvoi de l'arrêt attaqué", c'est-à-dire une annulation définitive de la procédure, au motif que la justice française n'était pas compétente. C'est "la seule issue juridiquement possible", affirme-t-il alors. "Pour que les fautes soient sanctionnées, il faut un texte applicable. Et c'est là que le bât blesse", assure l'avocat général.

La loi française inapplicable ?

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Un point de droit litigieux. L'Erika a en effet sombré en dehors des eaux territoriales françaises, en Zone économique exclusive (ZEE). Même si l'Etat du pavillon du cargo, Malte, ne s'est pas manifesté, la loi française de 1983, sur laquelle sont basées les poursuites, ne pouvait pas s'appliquer, selon l'avocat général, car elle n'était pas conforme aux conventions internationales.

Les options. La Cour de cassation a désormais plusieurs possibilités : la cassation totale, partielle ou encore la validation de l'arrêt de la cour d'appel. L'enjeu de la décision des juges n'est pas financier, puisque Total s'est déjà acquitté des sommes qu'il devait (171 millions d'euros, Rina ayant versé les 30 millions restants), précisant que ces versements étaient "définitifs".

"L'impression qu'on s'est battus pour rien"

L'angoisse des victimes. Les parties civiles disent plutôt craindre ses répercussions juridiques, si de nouvelles catastrophes de ce type se produisaient. Aux yeux des collectivités, une cassation totale signifierait "l'impunité" pour les pollueurs. A Batz-sur-Mer, en Loire-Atlantique, l'une des communes les plus touchées par la marée noire, on attend avec angoisse la décision. "Si la Cour de cassation donne raison à l'avocat général, ça serait dégueulasse. On pourra continuer à avoir des bateaux-poubelle. J'aurai l'impression qu'on s'est battus pour rien", dénonce Danielle Rival, la maire de Batz. "Au niveau du droit, il faut tout mettre en oeuvre et rapidement, pour que ça ne se reproduise plus jamais", espère-t-elle.