Condamnations pour apologie du terrorisme : "se méfier des excès"

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POINT DE VUE - Bruno Rebstock, avocat pénaliste à Aix-en-Provence, réagit à la multiplication des condamnations pour apologie du terrorisme après les attentats de la semaine dernière. 

"Nous devons être intraitables devant l'apologie du terrorisme et ceux qui s'y livrent"avait rappelé François Hollande, lors de l'hommage solennel aux trois policiers, mardi matin. Un ligne de conduite qui semble être appliquée à la lettre par les tribunaux. Suite aux attentats de la semaine dernière, plus d'une cinquantaine de procédures judiciaires ont été ouvertes, et plusieurs peines de prison fermes ont été prononcées. Une sévérité qui interroge et à laquelle répond Bruno Rebstock, avocat pénaliste à Aix-en-Provence. 

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En une semaine, plus de 50 procédures judiciaires ont été ouvertes après les attentats qui ont endeuillé la France. Plusieurs peines de prison fermes ont été prononcées. Quelle est votre réaction ? 

Ce sont des condamnations lourdes. Ma première réaction, c’est de dire que, malgré l’émotion, il faut se garder de toute réponse excessive. Il faut faire le tri entre ceux qui sont réellement dans une apologie du terrorisme et ceux qui profitent des circonstances pour faire des plaisanteries malvenues. Il faut se méfier de tout excès. La réponse répressive n’est pas suffisante, elle risque d’entretenir ces comportements radicaux, par ailleurs condamnables. 

Parmi ces procédures judiciaires, il y a cette mineure de 14 ans, mise en examen pour apologie du terrorisme, pour avoir crié avec une jeune fille majeure : “on est les sœurs Kouachi, on va sortir les kalachnikovs”. Une mesure de réparation pénale a été prononcée à son encontre. Qu’en pensez-vous ? 

C’est excessif et ce n’est pas l’unique réponse à apporter. Une gamine de 14 ans qui prononce ces paroles doit faire l’objet d’une pédagogie approfondie, notamment avec sa famille. C’est exactement la même chose pour les écoliers qui ont refusé de faire la minute de silence à la mémoire des victimes de Charlie Hebdo. 

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Est-ce qu’il n’y a pas un risque que ces condamnations prononcées lors de comparutions immédiates soient dictées par l’émotion ? 

La comparution immédiate, comme son nom l’indique, se veut immédiate. Souvent, pour ne pas dire toujours, elle ne laisse pas le temps au débat, à l’échange… On poursuit et on sanctionne dans la foulée. Encore une fois, l’idée c’est de bien distinguer entre la vraie démarche d’apologie du terrorisme et ces quelques anonymes égarés, ces petits malins pitoyables qui profitent des circonstances et du climat. 

Comment décrieriez-vous ce climat dans lequel sont prononcées ces condamnations ? 

La climat est lourd, tout le monde a été marqué par la violence de ces événements. Mais l’office du magistrat qui prononce ces peines, c’est de rester dans une certaine distanciation. Il ne s’agit ni d’être clément ni excessivement répressif mais juste. Il faut aussi mettre en perspective les choses. Prenons l’exemple des profanateurs du cimetière juif de Carpentras en 1990. Ils avaient écopé de deux ans de prison ferme alors qu’aujourd’hui, il y a un prévenu qui a pris quatre ans de prison ferme : peut-on mettre sur le même plan des gens qui profanent des cimetières et cette personne, sous l’emprise de l’alcool, qui a proféré ces propos, même s’ils sont condamnables ? Il ne faut pas qu’il n'y ait qu’une réponse judiciaire et policière à ces événements. Il faut aussi travailler sur l’école et la famille.