Comment fonctionne la protection de l’enfance ?

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Alors que l'affaire Marina revient sur le devant de la scène, Europe 1 fait le point sur le fonctionnement de la protection de l'enfance.

Le débat sur la protection de l’enfance avait été relancé après la mort de Marina, tuée en 2009 sous les coups de ses parents. Ses parents avaient été condamnés en 2012 à trente ans de réclusion criminelle. Mais des associations de protection de l’enfance avaient également souligné des dysfonctionnement de l’État, allant jusqu’à le poursuivre pour faute lourde.

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Cinq ans après sa mort, Marina reste l’un des visages emblématiques de la maltraitance infantile. Europe1.fr s’est penché sur le suivi des dossiers de maltraitance.
 

Comment se déroule le suivi des suspicions de maltraitance ? “Lorsqu’une information préoccupante est recensée, qu’il s’agisse de maltraitance ou de délaissement, elle est transmise aux CRIP, les cellules de recueil des informations préoccupantes”, explique Marie-Pierre Hourcade, présidente de l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.

Comme l’aide sociale à l’enfance (ASE), la CRIP, organisme départemental, encadre la protection infantile. Une fois l’information recueillie, la CRIP se renseigne sur la famille. Et recueille les informations disponibles, concernant notamment des problèmes financiers, ou au sein du couple. “La CRIP procède ensuite à une évaluation. Si elle estime que l’enfant est en danger, le conseil général, via les ASE, essaie d'abord d'intervenir dans une logique de médiation”, précise Marie-Pierre Hourcade.

Des familles qui peuvent parfois s’avérer fuyantes, et déménager pour brouiller les pistes. Dans ce cas, la CRIP émet un signalement au parquet, chargé de recueillir les élements. S’il en obtient suffisamment, le parquet saisit alors un juge pour enfant. Ce sont ces deux autorités judiciaires - le parquet et le juge -, qui peuvent décider du placement de l’enfant.

Un loi critiquée. Ce processus est encadré par la loi de 2007, venue réformer la protection de l’enfance. Un texte remis en cause par certaines associations, dont “La voix de l’enfant”. Invitée d’Europe 1, sa présidente, Martine Brousse, avait critiqué un texte défaillant après la mort d’Angèle en septembre, des suites des tortures commises par ses parents. “Il faut que la loi défende l’enfant avant de protéger la famille’”, avait dénoncé Martine Brousse. “Aujourd’hui, les liens du sang priment, et le doute profite à la famille”, avait-elle déploré.

Moins critique envers le texte, l’association “Enfance et Partage” regrette toutefois un texte inadapté aux cas les plus graves. “Le texte de 2007 a le mérite d’exister”, assure Catherine Ruelle, président de l’association. Mais comme de nombreuses associations consacrées à la protection de l’enfance, Catherine Ruelle déplore, pour les cas les plus graves, “une loi qui protège la famille au détriment de l’enfant”.

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Des pistes pour renforcer la protection de l’enfance. Après la mort de Marina, tuée sous les coups de ses parents en 2009, un rapport consacré à l’affaire pointait, en juin 2014, les défaillances du système de protection de l’enfance. Alain Grévot, rédacteur de l’étude, avait alors émis une série de recommandations. Il avait notamment proposé que le classement sans suite d’une plainte, comme cela avait été le cas dans l’affaire Marina, ne soit pas systématiquement interprété par les travailleurs sociaux comme une absence de danger.

Suite à la publication du rapport, en juin 2014, l’ancienne défenseure des droits avait relevé “une succession de dysfonctionnements” et “un tas de moments ratés” dans l’affaire Marina. 

“Il y a probablement des efforts à faire, notamment sur la formation des personnels les plus à même de repérer la maltraitance, par exemple, les médecins libéraux peu enclins à faire des signalements, ou les services d'enquête, peu formés à l'audition de l'enfant”, estime Marie-Pierre Hourcade.

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Combien de morts ? Deux chiffres très différents circulent. L’étude la plus récente, réalisée par l’Inserm, fait état de deux enfants tués chaque jour en France sous les coups d’adultes, souvent leurs parents. Un autre chiffre, issu d’une étude de 1996, fait quant à lui état de deux enfants tués chaque semaine.

Une absence de données officielles révélatrice, selon les associations, du tabou entourant la maltraitance infantile, et du manque de volonté politique. “Aucun organisme ne peut nous donner les chiffres avérés de la maltraitance en France”, déplore Catherine Ruelle, présidente de l’association “Enfance et partage”, qui a son avis sur la question : “En France, on aime pas parler des choses moches”.