Cannabis : le débat sur la légalisation relancé

Cela fait plusieurs années que le député et ancien ministre de l'Intérieur socialiste, Daniel Vaillant, préconise la dépénalisation du cannabis.
Cela fait plusieurs années que le député et ancien ministre de l'Intérieur socialiste, Daniel Vaillant, préconise la dépénalisation du cannabis.
  • Copié
avec AFP , modifié à
Un rapport parlementaire socialiste prône une "légalisation contrôlée". Le débat est relancé.

Après le mariage homosexuel, voici un autre débat sur lequel gauche et droite risquent de croiser le fer. Un groupe de travail des socialistes à l’Assemblée nationale, présidé par l'ancien ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant, préconise la "légalisation contrôlée du cannabis" et la mise en place d'une véritable "filière nationale". Le sujet divise.

"Sortir de l’hypocrisie"

Dans un rapport parlementaire publié mercredi, les députés de gauche préconisent une "légalisation contrôlée" du cannabis, afin de "sortir de l'hypocrisie".

"Il ne s'agit plus de prôner une abstinence illusoire mais de modérer la consommation des Français", explique le rapport du groupe de travail présidé par l'ancien ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant. Partant du constat que la France conserve une des législations les plus répressives d'Europe alors que le niveau de consommation est l'un des plus forts, les députés PS font valoir qu'"une légalisation contrôlée" pour les personnes majeures permettrait, "grâce à l'encadrement de la production et de la distribution", d'"instaurer une politique de réduction des risques".

Du cannabis en vente libre

"Il convient que l'Etat soit en mesure de fournir cette substance, sous forme de résine ou d'herbe, à l'ensemble des consommateurs", indique le rapport, en préconisant la mise en culture de 53.000 hectares "selon des règles strictes pour garantir la qualité des produits".

Deux types d'établissements seraient prévus à l'usage des consommateurs majeurs : les premiers uniquement consacrés à la vente, sur le mode des débits de tabac, les seconds, vus comme des "lieux de sociabilité", autorisant vente et consommation. "La vente d'alcool y serait strictement interdite", note le rapport.

Se défendant de tout "laxisme", les auteurs affirment que leur démarche n'est "pas la création d'un droit à la consommation" mais a pour "premier objectif de faire baisser la consommation et les risques qu'elle engendre".

La droite vent debout, la gauche divisée

Au sein de la majorité présidentielle, la proposition socialiste est vivement critiquée. Le député UMP de Seine-Saint-Denis, Eric Raoult, a lancé mercredi une pétition contre la dépénalisation des drogues douces, estimant que "c'est au peuple de prendre la parole" quand "les élites perdent la tête". Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant met lui aussi en garde, dans une autre tribune dans Le Monde: "Ce n'est pas parce que la lutte contre les stupéfiants est difficile qu'il faut l'abandonner (...). Ne nous y trompons pas: si la consommation est dépénalisée, elle augmentera car son accès sera plus facile", explique-t-il.

Le sujet reste sensible, même dans les rangs de la gauche. Certaines voix s’élèvent pour exprimer leurs réserves. Bruno Le Roux, porte-parole des députés PS et proche de François Hollande, a expliqué mercredi qu'il n'était "pas un grand fan" de la dépénalisation du cannabis. Manuel Valls, candidat à la primaire PS pour la 2012, s'est "fermement" opposé mercredi à la légalisation du cannabis, estimant que cette mesure "va à l'encontre de (ses) valeurs". Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée, a calmé le jeu, assurant que la question d'une légalisation "contrôlée" du cannabis n'était "pas tranchée" et que, si la gauche revenait au pouvoir, elle organiserait une "commission de consensus pour essayer de dégager des solutions".

La question pourrait donc se transformer en thème de campagne pour 2012. Un candidat à la présidentielle a déjà exprimé son avis sur le sujet. Nicolas Hulot, candidat à la primaire écologiste, s’est déclaré mercredi favorable à une dépénalisation "sans pour autant banaliser la consommation". "Il ne faut pas qu'il y ait de sujet tabou", dit-il, souhaitant que "l'argent mis dans la répression" aille à "l'éducation, la prévention". La proposition socialiste devrait ravir un autre écologiste. Stéphane Gatignon, le maire de Sevran qui avait appelé à l'aide l'armée pour lutter contre les trafiquants de drogue, estime en effet dans une tribune dans Le Monde de jeudi, que "la prohibition fait basculer notre système social".