Scandale du chlordécone aux Antilles : l'Etat sera jugé à l'été 2022

Les plaignants demandent une indemnisation de 15.000 chacun, pas seulement pour les planteurs de bananes mais aussi les habitants.
Les plaignants demandent une indemnisation de 15.000 chacun, pas seulement pour les planteurs de bananes mais aussi les habitants. © AFP
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Gwladys Laffitte, édité par Sonia Chemaa
La crise vaccinale aux Antilles a de nouveau mis le sujet du scandale de la pollution au chlordécone sur la table. Encore aujourd'hui, la population réclame réparation après l'utilisation de ce pesticide ultratoxique sur les bananeraies dans les années 70-90. L'Etat sera jugé l'été prochain devant le tribunal administratif.

C'est un scandale sanitaire, que le mouvement de contestation actuel aux Antilles françaises, provoqué par l'obligation vaccinale, a permis de remettre sur la table. De 1972 à 1993, un pesticide, connu sous le nom de chlordécone, a été utilisé dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique afin de lutter contre le charançon, un insecte ravageur qui détruisait les cultures. Les planteurs de bananes réclament aujourd'hui réparation.

Une pollution pendant 700 ans 

 

C'est le cas également des habitants, trois associations et plus de 1.200 personnes mobilisées pour une action devant le tribunal administratif de Paris afin de condamner l'Etat. Un an et demi après cette action collective, une date d'audience a été fixée à l'été prochain.

"Lorsque le danger s'est révélé au monde entier à partir de 1975, l'Etat français n'a pris aucune disposition. Il a fallu que l'Europe se fâche dans les années 80 pour qu'en 1990, les produits soient interdits", rappelle Me Christophe Lèguevaques, l'un des avocats saisis du dossier. "Nous demandons, nous, l'indemnisation. Ce qu'on appelle le préjudice moral d'anxiété." 

Pour la population, l'Etat n'a pas protégé la population antillaise, contaminée à plus de 90% au chlordécone, ce perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique et classé cancérogène "possible" dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). "Ces populations sont exposées à un risque majeur et elles ont des craintes pour leur vie et celle de leurs enfants, voire de leurs arrière-petits-enfants, puisqu'on nous explique que la pollution va durer pendant 700 ans", alerte l'avocat. 

Un quatrième "plan chlordécone"

Les plaignants demandent 15.000€ chacun, que les habitants soient indemnisés, et pas seulement les agriculteurs. Ils veulent aussi que l'Etat répare et agisse avec la création d'une convention citoyenne sur l'environnement aux Antilles, par exemple. Pour apaiser les tensions, un quatrième "Plan chlordécone" a été mis en place par le gouvernement.

Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie a promis, le 28 novembre, un décret "avant la fin de l’année" pour faire reconnaître le cancer de la prostate comme maladie professionnelle et d'indemniser les agriculteurs. Loin d'être suffisant pour plus d’un millier de plaignants qui attendent encore que la justice reconnaisse la responsabilité de l’Etat.