Obésité : l’IMC est-il vraiment un bon indicateur ?

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Un Français sur deux est obèse ou en surpoids, selon une étude. Mais comment le sait-on ?

C'est une étude d'une ampleur inédite. L'Inserm et la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés ont passé au crible l'Indice de masse corporel (IMC) de 29.000 Français. Résultat : 56,8% des hommes et 40,9% des femmes ont un IMC supérieur à 25, ce qui les place dans la catégorie des personnes en "surpoids" (41% des hommes, 25% des femmes) voire même supérieur à 30, ce qui en fait des "obèses" (15,8% des hommes et 15,6% des femmes), selon la classification de cet indice. Les chiffres sont préoccupants... mais comment ont-ils été obtenus ? L'IMC est-il un indice suffisamment fiable ? Décryptage. 

L'IMC, comment ça marche ? Pour calculer son indice IMC (vous pouvez faire le test sur Doctissimo en cliquant ici), il vous faut votre poids (ou masse), votre taille et une calculatrice (ou être doué en calcul mental). La formule est la suivante : le chiffre du poids divisé par celui de votre taille au carré. Si vous faîtes 75 kg et mesurez 1,75 m, vous devez diviser 75 par 1,75 x 1,75, c’est-à-dire par 3,0625. Ce qui fait un IMC de 24,49. Que vous soyez un homme ou une femme, un IMC supérieur à 25 vous place en surpoids, un IMC supérieur à 30 vous définit comme obèse. Au-dessus de 40, vous êtes en "obésité morbide".

L'obésité ne se limite pas à l'IMC. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande l'utilisation de cet indice, reconnu comme relativement fiable et surtout facile à calculer. "L’indice de masse corporelle (IMC) est un moyen simple de mesurer l’obésité dans la population", reconnaît-elle.

Mais l'obésité ne saurait se limiter à un taux d'IMC supérieur à 30. L'OMS définit "le surpoids et l'obésité comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé". L'organisation est claire : il y a obésité lorsque l'accumulation de graisse devient dangereuse pour la santé (augmentation des risques cardiovasculaires, des troubles rénaux, d'avoir de l'arthrose etc.), ce qui peut varier selon les différents métabolismes et selon les environnements dans lesquels vous vous trouvez. Au Japon ou en Chine, par exemple, les seuils ont été abaissés : au Japon, les autorités sanitaires considèrent que l'obésité apparaît avec un IMC au-dessus de 25, en Chine, au-dessus de 28.

Or, l'IMC ne fait pas le tri entre la graisse, la musculature ou l'ossature par exemple. Un athlète très musclé pourra avoir un IMC très élevé, sans pour autant avoir un taux de graisse dangereux pour sa santé. A l'inverse, quelqu'un de très peu musclé et à l'ossature légère pourra avoir un IMC inférieur à 30 tout en ayant accumulé beaucoup de graisse. Plusieurs études récentes ont donc pointé du doigt le manque de fiabilité de cet indice. L'une d'elle, publiée en 2012 par l'Université de New York et effectuée sur 1.300 patients, indiquait par exemple que 39% des Américains classés en "surpoids" étaient en réalité "obèses", au regard de leur taux de graisse dans le sang, observé à partir de rayon X et suivant des critères complexes.

L'IMC n'indique pas la localisation de la graisse. En outre, l'IMC n'indique pas la localisation de la graisse. Or, selon l'endroit où elle se niche, cela ne représente pas le même niveau de dangerosité. "C'est quand cette masse n'est plus sous-cutanée mais intra-abdominale que les risques surviennent", explique au Huffington Post Martine Duclos, membre de la Chaire Internationale sur le Risque Cardiométabolique (ICCR). "La graisse est alors inflammatoire et peut se propager, pouvant entraîner à la longue une insuffisance coronarienne, un diabète de type 2, un infarctus du myocarde...", poursuit-elle. En clair, avoir de la graisse dans les mains, les cuisses ou les hanches est moins dangereux que d'avoir de la graisse dans l'abdomen ou autour de la taille.

Il s'agit d'un bon complément d'autres indices. Reste alors une question : par quoi  remplacer l'IMC ? Plusieurs méthodes scientifiques permettent de suivre avec précision l'évolution de la graisse à travers votre corps, en calculant le taux de carbone, d'hydrogène, des lipides, de la masse de liquide cellulaire ou extracellulaire, de la quantité de tissus adipeux, squelettique et musculaire etc. Mais tout ceci nécessite des équipements coûteux et une installation lourde. Ces techniques sont donc inutiles lorsqu'on tente de faire le point sur soi-même dans sa salle de bain. Mais il est également impossible de s'en servir pour une étude épidémiologique à grande échelle. L'IMC, donc, n'est pas prêt d'être abandonné par les scientifiques. Il reste le moyen le plus efficace de suivre l'évolution de l'obésité à grande échelle et d'effectuer des actions de prévention des maladies qui y sont liées.

Depuis récemment, certains scientifiques accompagnent l'IMC de deux autres indices (jugés non fiables à 100%) pour affiner leurs résultats : le rapport taille/hanche et la méthode dite "du tour de taille". Pour la première, il s'agit de mesurer sa taille (placez un ruban légèrement au-dessus du nombril et mesurez la partie du ruban qui fait le tour de votre corps) et son tour de hanche (faîtes la même chose légèrement au-dessus du sexe), et de diviser le premier nombre obtenu par le second. Si le résultat est supérieur à 1 pour l'homme et à 0,85 pour la femme, vous êtes considéré comme obèse.

La méthode du tour de taille consiste simplement à mesurer son tour de taille, et permet de déterminer "l'obésité abdominale", caractérisée par un tour de taille d’au moins 94 cm chez un homme et de 80 cm chez une femme. C'est cette forme d'obésité qui est jugée la plus dangereuse pour la santé. Et selon l'étude publiée mardi par l'Inserm, elle touche 41,6 % du sexe masculin et 48,5 % du sexe féminin.