Mediator : nouveau recours des laboratoires Servier

Consommé par cinq millions de personnes en France, le Mediator est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques.
Consommé par cinq millions de personnes en France, le Mediator est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques. © AFP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Six ans après le scandale du Mediator, les laboratoires Servier vont demander mercredi l'annulation de leur mise en examen pour "escroquerie" et "tromperie aggravée". 

Après plus de six ans de bras de fer judiciaire, le scandale du Mediator revient devant la justice: les laboratoires Servier vont demander mercredi l'annulation de leur mise en examen pour "escroquerie" et "tromperie aggravée". Si la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris devait rejeter ce recours, le groupe pharmaceutique pourrait former un pourvoi en cassation, qui n'est toutefois pas suspensif et n'empêcherait pas le parquet de Paris de prendre ses réquisitions.

Retiré du marché en 2009. Consommé par cinq millions de personnes en France, le Mediator, antidiabétique largement vendu comme coupe-faim et produit-phare du groupe pharmaceutique Servier, est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques. Retiré du marché en novembre 2009, il pourrait être responsable à long terme de 500 à 2.100 décès, selon différentes études. Le parquet général a requis en juillet le rejet de la demande des laboratoires, estimant qu'ils ont bien "dissimulé le caractère anorexigène du médicament" et n'ont "pas signalé les risques d'hypertension artérielle pulmonaire et d'atteinte valvulaire pourtant connus à partir de 1995", d'après une source proche du dossier.

"Nous n'avons rien dissimulé aux autorités sanitaires". Le groupe avait demandé en février que l'Agence nationale du médicament (ANSM) soit mise en examen, comme lui, pour "tromperie" alors qu'elle est poursuivie uniquement pour "homicides involontaires et blessures involontaires", mais la chambre de l'instruction a déclaré en juin ce recours irrecevable. Pour Servier, plusieurs documents attestent que l'ANSM avait connaissance des propriétés et des effets indésirables du Mediator et ces éléments n'ont pas été exploités par les enquêteurs. "Il y a une évidente responsabilité de l'Agence. Nous n'avons rien dissimulé aux autorités sanitaires", estime un avocat des laboratoires, François de Castro.

2.427 patients concernés par une indemnisation. Nullités d'actes d'enquête, de mises en examen, demandes d'auditions: le groupe se livre depuis six ans à un bras de fer avec la justice, une attitude qualifiée par les magistrats instructeurs de "manifestement dilatoire". Pour François Honorat, avocat de parties civiles, "l'objectif est d'avoir un procès sans victime": "ils comptent sur le fait que des malades sont décédés et que les autres auront été indemnisés et donc dû entretemps renoncer à leur plainte". Fin février, 2.427 patients avaient reçu une offre d'indemnisation.

Le scandale du Mediator fait l'objet d'une multitude de procédures civiles, pénales et administratives. S'il a lieu, le procès se tiendra en l'absence du principal protagoniste, Jacques Servier, fondateur du groupe, décédé en 2014 à 92 ans.

Vingt-six personnes sont mises en examen dont onze personnes morales, essentiellement des sociétés de la galaxie Servier. Les autres sont des dirigeants du laboratoire, des fonctionnaires, des médecins ou encore une ex-sénatrice, soupçonnée d'avoir été en lien avec Servier.