LA QUESTION SEXO - Quel est l'impact du coronavirus sur nos relations sociales et affectives ?

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Catherine Blanc
Dans l'émission spéciale "Sans rendez-vous" d'Europe 1 sur le coronavirus mardi, la sexologue et psychiatre Catherine Blanc aborde la question des relations entre les personnes au moment où l'épidémie crée de plus en plus la psychose. L'occasion selon elle de réinventer et repenser notre rapport à autrui.

La crainte d'être infecté par un virus fait resurgir chez nous des peurs bien ancrées et naturelles. Dans le cas du coronavirus, par le simple fait de relayer de nombreuses informations les médias démultiplient l'anxiété. Celle-ci se manifeste parfois par des comportements irrationnels, en témoignent les vidéos qui ont fuité montrant des personnes asiatiques rejetées dans les lieux publics.

La question

Est-il normal d'avoir peur du coronavirus, et comment celui-ci affecte-t-il nos relations sociales et intimes ?

La réponse de Catherine Blanc

La peur est ce qui nous permet de nous défendre. Elle nous oblige à surmonter notre faiblesse et notre fragilité dès lors qu'elle n'est pas paralysante. Là où l'épidémie est handicapante dans nos relations, c'est que les recommandations d'éloignement physique sont plutôt contraires à notre culture. Cet éloignement forcé doit nous permettre de nous recentrer sur nous-mêmes et d'imaginer nos relations futures.

La peur est-elle un phénomène commun ?

Dans le développement psychoaffectif de l’individu, il y a des phases de fusion et des phases de mise à distance d’autrui. Cela s'observe chez l'enfant, notamment dans son rapport à sa mère : alors qu'il ne pouvait pas s'en éloigner, à un moment se déclenche une sorte de "parano" qui aboutit au rejet. La peur de l'étranger c'est ce qu'il peut transformer en moi, c'est d'ailleurs ce sentiment qui est à l'origine de la xénophobie... et de l'hypocondrie. Selon ce raisonnement, le coronavirus fait donc rejaillir notre capacité de mise à distance de l'étranger.

L'absence de contact physique influe-t-elle sur nos relations sociales ?

En France, notre culture est plutôt celle de la proximité : il est important de saluer en serrant la main ou en faisant la bise. De fait, l'impossibilité d'effectuer ces gestes nous laisse muet et fait naître une forme d'agressivité. Si on ne se touche pas, on dit implicitement "je suis dangereux" ou "j'ai peur de toi". Il faut trouver des moyens de lutter contre cette forme de défiance.

Cette psychose ambiante a-t-elle un impact sur la sexualité ?

Pour certains, elle va avoir des conséquences positives. Ce sera l'occasion de réaffirmer sa confiance en son partenaire : "Tu es la personne que je ne crains pas." Au contraire, cela peut accentuer le repli sur soi. Il faut savoir que dans la psyché humaine, il y a une confusion entre l'acte de procréation et la contamination.

Que faire durant cette période d'éloignement forcé ?

Si vous êtes adeptes des baisers, il faudra attendre. Mais cette période est aussi l'occasion d'inventer d'autres choses et de se projeter dans un futur où les expressions de douceurs seront à nouveau la norme.